quatre appels manqués et sortie – enfin – de chez l’esthéticienne, manucure parfaite aux couleurs du printemps, l’air plus guillerette que jamais, je descends Seven Avenue.

c’est sans aucune difficulté que, parmi la foule, je devine ta silhouette toute apprêtée ; et c’est un miracle que tous ne se retournent pas sur les pas de Theodora, vraiment, quand elle est la seule que tu vois au milieu de tous ces visages qui défilent. Aaah ça a été un peu le bordel dernièrement ? Désolée ? mais pas vraiment, chacune prise par vos vies mouvementées,
à la différence que la sienne est filmée.
Déjà, on va aller discuter de ça, assises quelque part, je refuse de rester debout et j’ai plein de nouvelles pour toi. Et en plus, je suis sobre. Il est beaucoup trop tard pour être sobre, Théo. et sans plus attendre, glisse mes doigts dans les siens pour nous emmener jusqu’à l’Echo Resort – direction le restaurant, ne pas perdre pas de temps

et une fois les fesses vissées sur nos chaises, je lève le bras et commande deux verres de vin blanc.
Puis, sois honnête, tu as l’habitude que je sois injoignable. Dernièrement, c’était le chaos, j’ai dû me débarrasser de trois de mes numéros. Et toi, comment va la vie ?

admirant Theodora pendant que le serveur s’adonne à nos cocktails
la laisse me prendre les mains, elle est de celle pour qui je n’ai aucune réserve pas même dans le discours lorsque me somme de commencer, je
m’épanche
sans plus tarder
cocktail pour trinquer puis délaissé sur le comptoir marbré.
Un CAUCHEMAR, Theodora ! UN CAUCHEMAR. théâtrale mais peut-elle voir le sourire qui s’affaisse avec sincérité — c’est l’histoire de mon ex,
et de son retour pas plus tard que le mois dernier. Tu te souviens d’Ezra ? Mon ex, la connasse, qui m’a trompé avec environ tout Ellipse, tu sais, celle à cause de qui mes relations sont plus que foireuses ? Elle est revenue dans le décor, putain, et tu devineras pas sa nouvelle lubie ?

elle ne devinera pas
la scène qui s’est joué dans les catacombes, chouette soirée jusqu’à son arrivée — et Ezra, merveilleusement nocive, qui débarque comme si de rien n’était pour m’asséner des vérités plus acérées les unes que les autres ; je n’ai pas de coeur, je le reconnais, mais à qui la faute ?
Ezra, sans complexe, me reprochant d’être devenue pire qu’elle ne l’a été par le passé — voilà ce qui arrive, lorsqu’on piétine un coeur immaculé.

Prétendre qu’elle m’aime. Cette poufiasse a le culot de dire qu’elle m’aime.
comme on aimerait un trophée qui nous est passé sous le nez, et j’enquille mon premier cocktail — je veux l’ivresse, les pensées embrouillées,
je ne veux plus y penser.
C'est quoi ces ex qui se croient tout permis ?!

oh
non

non non non je ne l’aime plus
je        ne            peux                plus. ce serait criminel, débile, sordide même, d’aimer encore mon bourreau et celle qui m’a ruiné pour les dix prochaines années — et Theodora, tu délivres ça avec un calme qui me retourne jusqu’à l’estomac ; Non. Nope. C’est mort. Page tournée. Over. Finito.
mais tant de déni, c’est une confession en soi
nous le savons, toi et moi ; alors je récupère mon verre, la mine défaitiste et retrousse les narines. Ethan. et
rien
que
ce
prénom
m’arrache des frissons — d’horreur, j’entends, les souvenirs d’un connard pire encore qu’Ezra alors que je pensais ça impossible ; J’ai repris contact aussi, suite à un mauvais coup de destin. Un truc avec un client. de secrets dont je ne peux pas vraiment te parler, pas même à toi, belle Theodora, qui ignore si peu de moi, toutefois celui-là je ne le partagerai pas,
pas cette fois ; ce n’est pas l’heure.
Mais je refuse de parler de lui, rien que son existence me donne de l’urticaire. Non, du coup, j’ai trouvé une parade à Ezra. Je sors avec quelqu’un.
jusque là, tout va, n’est-ce pas ?

... Un faux petit ami. Je l’ai pratiquement harcelé pour qu’il accepte. deuxième cocktail, après la colère : la honte. Parle de toi, dis-moi que toi, les amours, ça va. Ca me consolera.

Zadig qui s’inscrit mentalement dans un coin de ma tête et je n’en ferais rien, pas pour Theodora, reine parmi les exceptions — peut-être un ou deux textos à fouiller mais rien de méchant, m’assurer qu’elle est entre de bonnes mains

qui la rattraperont lorsqu’elle tombera           amoureuse         car cela sonne beaucoup comme ça, Theodora, l’amour comme on ne se l’avoue pas.

ce qui pourrait expliquer, dans une autre réalité, celle que je refuse d’accepter, mon obsession pour Thomas.
Hin-hin. Il a tout pour plaire, c’est presque louche. Tu veux que j’enquête ? et pardon si je n’attendrais pas vraiment ton consentement pour le faire,
j’ai peur pour toi, vraiment, quand on sait tout ce qu’a pu représenter ton ex Théa. J’te dis, les ex qui se croient tout permis et reviennent dans nos vies comme des bulldozers. Faut pas que tu retombes dans ses conneries à l’autre trouduc, là, Théa. Promets-le moi, Theodora.
articulé avec une minutie assassine car j’ai besoin de te l’entendre dire — je ne serais pas toujours là, et le passé est témoin de nos idylles aux allures de perfection
celles qui nous laissent des plaies qui tardent à refermer.
Quel bourbier, putain... Et pour le coup, oui, moi c’est fake de chez fake, je l’insupporte, le pauvre. Mais tu verrais, putain, il est magnifique.

mais
si ce n’était que ça
ça irait.
le problème
c’est le coeur qui s’emballe à chaque fois que je repense à ses prunelles de jais.

quand on accepte un marché —
et je n’ai pas envie de reprendre que ce n’était pas tant accepter que céder aux menaces dissimulées et harcèlement répété ; les mauvais réflexes et je n’ai personne à blâmer si ce n’est moi et ma personnalité bâtie à l’envers

pouvoir qui nous octroie des airs de royauté, à force d’avoir la capacité à tout observer au détriment de la vie privée, on comprend mal la banalité.

et j’écoute, verre qui tourne d’une main que je récupère de tes doigts parfaitement manucurés — J’ai surtout promis de le protéger si des gens cherchent des infos sur lui. Avec mon pouvoir, c’est pas très difficile.

puis, sans méchanceté aucune, je le sais,
tu renvoies aux questions qui frappent sous la cage thoracique, anime un coeur que je préfèrerais parfois mort, tu sais.
Non, t’inquiète, je suis une grande fille aussi. Mais merci. attrapant un nouveau cocktail et fixant les couleurs joliment mélangées. Erh... Le souci, c’est que ça a été après Ezra. Et je l’avoue, j’ai eu des comportements pour digérer la rupture qui ont pas été giga sains ? Je suis devenue très dépendante de lui, et j’ai fini par stalk son téléphone.
yeux clos la scène se rejoue parfaitement derrière les paupières — le téléphone, les sms, les noms inconnus et numéros même pas enregistrés qui parlent de tromperie à peine déguisées
      la douleur, et l’hypocrisie d’être blessée alors que
moi aussi, je l’avais trompé.
une histoire moche, et je me hais d’y penser.
Bref j’étais cocue, ça a mal fini, et depuis, vive la tromperie, les relations libres, les gens qui s’attachent pas. En revanche, ton Zadig, là. T’es certaine qu’il est bien sous toutes coutures ? Genre il sait que c’est une fausse relation ?

à trop en dire et bien évidemment que Theodora aurait saisi le sous-entendu — Thomas est quelqu’un qui a des choses à cacher

mais

le brun restera mon secret quelques temps encore ;
C’est qu’entre lui et Ezra, ça fait beaucoup.
et ce n’est pas tout à fait faux
c’est une spirale infernale de haine, envers eux, envers moi, envers ce que je suis devenue à leur contact et les séquelles qu’iels me laissent, les morceaux que je n’arrive pas à recoller de façon saine —
c’est trop de pensées et pas assez de temps pour les trier car ils ne sont revenus que si récemment et je dois affronter les névroses que je trimballe depuis mes ruptures catastrophées.

c’est aussi autre chose que je ne dois pas — peux pas aborder,
même avec toi — ça viendra. Parce que ça concerne l’anonymat d’un client, pour une fois.
et ce n’est pas tout à fait faux
mais pas tout à fait vrai

et ça m’écœure de devoir le cacher mais je ne sais pas, Theodora, par où commencer, mes deux poisons qui reviennent soudainement dans ma vie alors que je me croyais enfin immunisée.
Je t'aimerai toujours aussi, n'en doute pas, d'accord ? Je te présenterai aussi mon faux copain, à l'occasion. S'il accepte de sortir en dehors de ce qui est établi sur le contrat.

un dernier cocktail, car déjà la tête tourne.