don't lose your head — liam (flashback)

« Maudit chihuahua, j'espère que mon client ne va pas trop s'en rendre compte. » et il frotte Midas, il frotte contre le siège en tissu côté passager avec une petite brosse comme si toute sa vie en dépendait. fort heureusement, sa voiture dispose toujours de matériel approximativement adéquat : rouleau de sopalin, une bouteille d'eau qui chauffe ici depuis trois mois ainsi qu'une eau de cologne pour camoufler les odeurs de vomi. le trajet sera un peu plus soutenable. du moins, il l'espère.

Tâche de vomi retirée et voiture aérée au mieux, le chauffeur récupère sa place au volant et reprend la route pour son prochain client, situé à quelques mètres d'ici — d'après les indications.
Fenêtre grande ouverte de son côté lorsqu'il s'arrête à son niveau, et tapote — insoucieux — sur le clavier du téléphone sans s'attarder sur l'homme. « Rowland c'est ça ? J'suis votre chauffeur, montez côté passager si vous v- ah non derrière, montez derrière. Ah en fait, faut passer par la portière à droite, celle de gauche a un problème et attention aux voitures qui arrivent. » non au cas où. parce qu'il en a eu des clients imbéciles, il en a eu.

sinon, pourvu qu'il ne sente rien.

Contrôle et clignotant, Midas quitte le stationnement à une vitesse grand v, pressé comme à son habitude.
et lorsqu'enfin le regard croise le sien dans le rétro intérieur, c'est un visage mal en point, presque ensanglanté qu'il aperçoit.
Silence embarrassant.
il n'a franchement pas envie de connaitre les raisons de son état et n'a franchement pas envie de lui proposer son aide non plus ; putain il est chauffeur pas psychologue ou infirmier. la journée a été suffisamment épuisante comme ça. « .... Ok, je vous dépose où ? A l'hôpital je présume ? » certainement pas chez lui; le temps c'est de l'argent, il faut faire vite. mais le coeur de Midas n'est pas (encore) fait de glace « Il vous arrive quoi ? Vous vous êtes battu? On vous a agressé ? J'ai un club de golf dans le coffre si vous me dites qu'on est poursuivi. Même si je préférerais que ça ne soit pas le cas. » c'est pas comme si la ville était dominée par les gangs.

don't lose your head

Le souffle court, Liam serre les dents alors qu'il regarde sur son téléphone le temps qu'on met à arriver. Il se force à mettre de côté le fait qu'il va dehors monter dans une voiture pendant probablement plus de cinq minutes, se contraignant à se focaliser uniquement sur sa fuite.

Il rumine sa malchance, encore mortifié par ce qui lui est arrivé. Sa tranquillité gâchée et sa quiétude arrachée par des assaillants impromptus, il n'avait pu faire face à la surprenante violence qu'on lui infligeait et c'était rabaissé par les autres qu'il avait cru son heure arriver, et qu'il avait finalement réussi à s'échapper dans un sursaut de désespoir.

La douleur des blessures qu'on ne parvient pas très bien à situer lui fait tourner la tête, et il ressent encore la vive humiliation de s'être couvert de honte en ayant été battu ainsi.
Enfin une automobile s'arrête près de lui, et Liam suit les indications de l'homme aux cheveux sombres, se pressant pour éviter les voitures qui passent à ses côtés.

L'odeur lourde et capiteuse d'un parfum qu'on avait répandu pour cacher une autre fragrance lui donne un haut-le-cœur alors qu'il s'engouffre péniblement dans le véhicule. L'expérience promettait d'être encore plus désagréable qu'il ne l'avait pensé - pourvu qu'elle ne dure pas bien longtemps.

Liam prend conscience de l'état dans lequel il est lorsqu'il aperçoit son reflet dans un des rétroviseurs ; se terre alors sur son siège pour se faire le plus petit possible, et tente d'essuyer tant bien que mal le sang sur son front - mais il a déjà coagulé. Il comprend que sa tentative de dissimuler son visage mal en point est vaine en remarquant l'air abasourdi du chauffeur.

- Non, pas l'hôpital. Amenez-moi juste au centre-ville, j'habite pas loin. Je vais vous donner l'adresse.

Il ignore ainsi sa proposition - pas question d'inquiéter Babylone et ses collègues en débarquant sur son lieu de travail comme ça. Une fois chez lui, au calme et en sécurité, il pourra prendre le temps de se soigner tout seul.

- Je vais bien, de toute façon. C'est rien de grave.

C'était bien peu convaincant malgré sa voix assurée ; les hématomes parlaient d'eux-mêmes. Pour couper court à une possibilité qu'il insiste une nouvelle fois, Liam met l'accent sur le fait qu'il est poursuivi.

- Vous devriez démarrer. Maintenant, et il jette un regard anxieux en arrière pour vérifier si ses assaillants sont toujours sur ses talons, si vous voulez garder intact ce qu'il reste de votre voiture.

Le Cobra se sent légèrement coupable d'entraîner le malheureux conducteur dans ses affaires et de lui attirer des ennuis, mais il était persuadé de ne pas avoir eu le choix : il était forcé de compter sur son aide, et se promit de lui rendre la pareille plus tard, s'il en avait l'occasion.

@Midas Sosthène

(c) sky

Non ? Enième coup d'œil dans le rétroviseur intérieur pour dévisager son client, le sourcil bien arqué. comment ça, non ? Midas demeure silencieux et hésitant. l'index tape nerveusement sur le volant. « Vous êtes un adulte, donc j'ai pas à vous dire quoi faire mais je crois que vous avez quand même besoin de soin. » fait-il partie d'un gang ? la pression monte en lui quand il pense à cette éventualité; c'est que même armé, le chauffeur n'a pas trop envie d'être mêlé à ça. son père lui a suffisamment refilé ses problèmes — l'épée de Damoclès toujours suspendu au dessus de la tête, alors qui sait ce qui pourrait lui arriver demain.

mais les doutes se confirment : l'homme est bien poursuivi. s'il avait su, jamais il ne l'aurait fait monter. « Ah. » en effet, c'est pour sa voiture qu'il craint ; le moyen indispensable pour exercer son métier ; il n'a pas d'argent pour la faire réparer et encore moins pour en racheter une. « Vous avez vraiment des types à vos trousses alors. » pied à fond sur l'accélérateur, le conducteur reprend ses bonnes vieilles habitudes ; grille des feux rouges et opère un ou deux dépassements risqués puis c'est le frein qui grince quand il immobilise son véhicule un peu plus loin. « Deux secondes. » sans en dire plus, il sort de sa voiture pour récupérer le club de golf dans le coffre - le pose soigneusement sur le siège passager, puis reprend la route comme si de rien n'était. « On sait jamais, au moins comme ça je suis prêt. Je vous le confie pas hein, vu votre état je suppose que vous comptez sur moi. Mais honnêtement je me suis encore jamais frotté à ces gars là et je suis pas trop sûr de le vouloir. » silence. « Ecoutez, je vous emmène à l'hôpital et pas d'opposition. J'ai pas envie d'avoir une mort sur la conscience. » et direction l'hôpital le plus proche : Hallmark.

don't lose your head

Si Liam avait fait de son mieux pour ignorer la terreur sourde qui lui nouait les entrailles sur le fait de se retrouver dans une voiture, les feux brûlés et les quelques pointes de vitesse, accompagnés des doublements risqués, avaient réussi à réveiller une panique enfouie qu'il tentait désespérément de repousser depuis qu'il avait pénétré dans le véhicule.

- Ne soyez pas ridicule, gronda-t-il d'une voix étouffée, la tête appuyée contre le siège devant lui. Je ne vais pas mourir avec ça. Et je doute que votre club de golf soit très efficace contre ces types-là.

L'infirmier craignait qu'il n'ait apporté des ennuis au conducteur dans sa fuite ; mais il avait réfléchi avant de se décider à demander ses services, et pensait sans aucune honte qu'il préférait prendre le risque, quitte à ce que l'inconnu connaisse des problèmes maintenant. Évidemment, il n'était pas non plus insensible et espérait de tout son cœur que l'homme ne se retrouve pas dans une situation malencontreuse par sa faute, et qu'il réussirait à semer ses poursuivants.

Un soupir lui échappa lorsque ce dernier insista pour qu'il aille faire soigner ses blessures ; il n'était pas question que Liam passe sur son lieu de travail - tout le monde s'inquiéterait pour lui et se demanderait ce qu'il lui était arrivé, et en quelques jours le personnel entier serait en train de se douter de son appartenance à un gang, sauf s'il parvenait à trouver une bonne excuse avant que les rumeurs ne se propagent.

- Écoutez, je peux me soigner. C'est inutile de passer à l'hôpital, amenez-moi simplement à l'adresse que je vous indique. Je vous promets que vous n'aurez pas d'ennuis après, et plus jamais vous n'entendrez parler de moi ou de ces types.

Du moins il l'espérait.

- J’ai juste… manqué de chance, aujourd’hui, marmonna-t-il presque pour lui-même, encore atterré par ce qui lui était arrivé. Mais ça va aller.

Et c'est sur ses mots qu'il commença à suffoquer, recherchant avec peine sa respiration : une sensation affolante, ignoble, et malheureusement prévisible.

Il avait tenté de lutter contre ce mal-être, mais voilà que ce dernier s'était mu en souffrance aiguë - et la main vint serrer avec peine le col de son t-shirt, dans un futile essai d'atténuer l'intensité de la douleur qui lui écrasait la poitrine.
Et bientôt il oublia totalement ce qui l'entourait, avec pour seul vacarme des cris et des bruits de verre brisés pour venir troubler son agonie.

@Midas Sosthène

(c) sky