Il s'agite, passe d'une chambre à l'autre - s'occupe des patients en peine, apaise les souffrances du mieux qu'il peut : une journée épuisante, mais qui n'a rien d'inhabituel pour Liam.

Alors qu'il s'apprête à pénétrer dans la prochaine salle, il s'arrête après aperçu une silhouette aux côtés du patient; referme doucement la porte qu'il avait entrouverte pour laisser à la visiteuse et sa connaissance un peu d'intimité - il reviendra quelques heures plus tard, certain qu'à ce moment-là, la chambre se sera vidée.

L'infirmier repassa donc quelques temps après, mais fut surpris d'apercevoir une nouvelle fois la tignasse rousse aux côtés du lit. Il se demanda si elle était partie entre-temps ; mais elle ne semblait pas avoir bougé depuis qu'il était passé la première fois.

Son arrivée était cette fois-ci beaucoup moins discrète que tout à l'heure, et il signala sa présence à la jeune femme qui semblait complètement accablée. Son cœur se serra un peu à cette vue-là, mais il était d'abord ici pour remplir ses devoirs.

Bonjour. Désolé de vous déranger, mais je dois m'occuper du patient.

On l'avait simplement chargé de vérifier les appareils maintenant les fonctions vitales et la perfusion maintenant sa circulation sanguine. Quelqu'un viendrait au petit matin pour s'assurer du reste.

Vous pouvez rester là, si vous voulez.

Les vérifications furent une affaire de seulement quelques minutes : Liam était censé bientôt finir son service, mais il ne pouvait se résoudre à partir maintenant, alors que son attention avait été accaparée par la situation de la jeune fille.

Il en avait vu passer, des cas comme elle - des victimes qui souffraient encore plus que les patients, étant incapables de se détourner des personnes qu'ils aimaient; et c'était alors à leur tour de dépérir, à la place des malades. Liam trouvait cela bien triste, notamment parce qu'il se reconnaissait cruellement dans leur sort : lui-même s'était retrouvé complètement atteré par son deuil.

Sur le moment, il se demanda comment il aurait pu continuer à vivre si son père et sa soeur n'avaient pas succombé ce jour-là - s'ils s'étaient retrouvés dans le même état que ce jeune homme. Liam aurait été prisonnier de leur douleur et de leur silence - il savait qu'il n'aurait probablement jamais pu avancer.

Et il ne voulait pas que cela arrive aux autres. Il posa une main réconfortante sur l'épaule frêle de la rousse, sa gorge légèrement serrée par inquiétude.

Il est tard, et vous êtes là depuis très longtemps. Vous devriez au moins aller manger quelque chose.

Liam hésitait entre lui faire une promesse, fade et vide de sens, mais pourtant si réconfortante - il pourrait lui dire que tout se passerait pour le mieux, qu'effectivement, il se réveillera un jour - mais il n'avait parfois pas le cœur à mentir ainsi. Cruel dilemme que de choisir entre la consoler quitte à la tromper, ou lui lâcher la pure vérité, aussi douloureuse et affligeante soit-elle.

Je ne sais pas. Cependant, je pense qu'il est important de continuer à y croire.

Ce serait de tristes incertitudes qui la hanteraient pour le reste de sa vie, mais Liam sentait qu'elle préférait sans doute cela à la mort imminente de cet homme qui lui était cher.

Je ne peux pas vous dire qu'il se réveillera à coup sûr. Mais cela reste une possibilité, aussi infime la chance soit-elle.

Silence alors qu'il réfléchissait à la peine de cette jeune fille soutenant son regard.
La vie et la mort aillaient de paire et c'était ainsi que fonctionnait l'existence ; Liam s'en était bien rendu compte. Lui avait fini par se remettre du décès de ses proches, contrairement à cette jeune femme qui ne pouvait même pas passer à autre chose. Il craignait qu'elle ne reste coincée avec ce patient toute sa vie, dans toute la douleur d'une attente incertaine. Si elle passait ses journées à se demander lorsque l'échéance se produira, c'était comme si la mort l'avait déjà saisie.  

Je pense qu'au contraire, il ne faut pas sous-estimer la souffrance de ceux qui restent. Il est difficile de continuer à vivre sans la présence de ceux qui nous sont proches, et vous êtes bien placée pour le savoir.