C'est que dans l'appartement trop grand, tout semble fade. Le soleil des hivers monotones filtre dans le grand salon. Les chats dorment face à la baie vitré. Le chien s'est à moitié étalé sur lui.
Et Ange, sur le canapé couché, observe la télé. Sans grande envie ni ambition, il faut se l'avouer. Il a le regard dans le vague, de ceux qui ne font rien vraiment, de ceux qui s'ennuient comme sardine en boîte. Il a la sensation que le chauffage trop bas hérisse les poils de ses bras, ne se lèverait pourtant pas pour l'augmenter, non.
Il ferme les yeux un instant, et les rouvre trente minutes plus tard.

Car la sonnette retentit, car Gummy a appuyé ses grosses pattes sur son estomac et l'a étouffé au passage. Ange souffle du nez, pousse le gros chien de sur lui car déjà est trop excité par la venue d'un.e inconnu.e.
Il aboie fort, il n'est plus temps de mimer l'absence.

Ange ouvre la porte sans vraiment regarder, appuie sur la grosse tête du molosse qui essaye de se frayer un chemin par le pas de la porte. Mais une voix plus forte, et l'animal se couche, tel sphynx, yeux d'ambres scotchés à
Inigo.
Et ce n'est que maintenant qu'Ange remarque la présence du jeune homme. Ce n'est que maintenant qu'il sent que, peut-être, il aurait dû vérifier les résidus de bave au coin de la bouche (de sa courte sieste).

« Oh. Uh. Bonjour. Cela faisait... longtemps. »

Non, pas vraiment.
Il y a encore dans les placards, trop de paquets à ne plus savoir quoi en faire qu'Inigo a laissé entre ses bras. Ca déborderait presque, et Ange entend déjà les râles d'Echo quand elle reviendra, plus tard, quand elle découvrira qu'au lieu de se débarrasser de ces dépenses dont il ne se sert pas, Ange en achète encore plus.
Pour les beaux yeux,
le joli minois,
d'Inigo.

C'est qu'Ange ne comprend pas bien pourquoi ces sourires là font dans son cœur remonter quelques émotions de tendresses (de nervosité), car Ange n'aime qu'en touchant, qu'en goûtant du bout des lèvres et puis laisse repartir. Mais Inigo s'en va sans cesse, après avoir extirpé du portefeuille quelques billets.
Et toujours, Ange s'y laisse aller.
Toujours, Ange achète sans regarder.

« Que puis-je faire pour t- vous, cette fois? »

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Cette cage d’escalier, il avait fini par la connaitre par coeur. Son marbre discret, ses quelques dorures indiquant les standards du quartier
Inigo est à la fois cheveux sur la soupe et dans son élément.

Ange, ange, tu soupires en y pensant. Ange belle chose ailée, oiseau de malheur malheureux. Un cygne à l’apanage du pigeon
Ce n’est pas pour te déplaire il t’apporte la joie en travaillant et sa porte est toujours ouverte, comme elle s’ouvre maintenant.

Bonjour Ange ! Vous allez bien j’espère. J’avais hâte de vous revoir Et tu ne mens qu’à moitié.
Dans son plus large sourire serrant entre tes mains ta manettes de cuir tanné, dansant et ballotant de la pointe de ses pieds jusqu’à son talon, il lève légèrement ses yeux noirs pour se pâme dans l’ambroisie.
S’y saouler aussi.

Inigo doucement, retourne dans ce manège qu’il connait bien. Il se demande parfois ce qu’un garçon comme Ange peu bien trouver à ses babioles, alors qu’il est achète sous le regard réprobateur de la femme qu’il entr'aperçoit parfois par delà la porte ouverte (sa femme surement, c’est un couple d’une grande beauté)
Mais cela est loin de lui déplaire, car le visage d’Ange, qui porte si bien son nom a toujours le dont de paraitre tel un soleil obombrés de quelques nuages.
Et le tableau du jour est charmant
Les cheveux en désarroi mussant les yeux, plats d’un côté et plus fous de l’autre.
La joue rougie quelque peu gonflée
et un certain air triste dont il ne se départ jamais. Ce portrait charmant de candeur bien gardé rappelle a Inigo certains tableau qu’il a vu peints par Elio.
C’est qu’Ange à cet appart du musée, de celleux qu’a son grand damne on regarde sans toucher. Et cela l’étonne aussi, c’est bien une des rares fois où son pouvoir ne lui sert pas. Il n’a jamais échangé plus que des sourires, pas même une poignée de mains.

Je vous dérange peut être ? dit-il plus doucement, roulant sa tête sur le côté en le regardant de haut en bas.

Et en bas tes yeux s’arrête, sur la tête blanche soupirante aux pieds d’Ange.

Tu fais attention quand tu délies tes doigts, c’est que bien des fois tu as faillit en perdre.
Si ce n’est pas la porte qu’on te claque au nez manquant de te scier les phalanges, si ce n’est pas les quelques poings que tu as pu recevoir sur le coin du nez. Si ce n’est pas les vilains mots qui te font te cacher.
Alors c’est parfois les chiens qu’on lâche sur toi.

En regardant la fourrure blanche et la langue folle : le molosse couché comme un bon petit soldat
Tu te sens brave et tu demande ce que tu ne t’autorises pas.
Est ce que…. Est ce que je peux le caresser ?

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Hâte de vous revoir,
qu'il glisse, petit ange. Et il ne sait quoi lui répondre, à deux doigts de souffler "moi aussi", se retient pourtant bien.

« Bien sûr. J'espère que vous aussi, vous allez bien. »

Ah, c'est que cela se voit sur le visage, sur l'habit. Ange n'est pas bien réveillé non plus, passe une main soucieuse sur la chevelure pour peut-être aplatir quelques mèches folles (mais rien n'y fait, ça c'est bien naturel). Il souffle du nez et secoue un peu la tête, car, après tout, non Inigo ne dérangeait rien sinon une sieste imprévue. Et il préférait ne pas dormir plus, si cela signifierait s'empêcher quelques doux rêves dans la nuit future.
Si cela signifiait s'enfermer dans quelques pensées de trop.

« Non, ne vous inquiétez pas, je ne faisais rien de particulier. »

Ange suit le regard d'Inigo. Gummy respire fort, Gummy redresse les oreilles, lorsqu'il remarque que toute l'attention est portée sur lui. Il lance un regard presque suppliant à son maître, qui, nerveusement, vient gratter l'intérieur de son coude.
Oh, il connaît assez bien l'animal.
Et pourtant, pourtant, il voit dans la posture, il voit dans les mains plissées des interdits qu'il n'attend que de glisser quelques doigts dans la fourrure de soie. Alors il rit, et hausse les épaules.

« A vos risques et périls. Je ne garantis pas la propreté de vos vêtements si vous le collez un peu trop... Il ne vous lâchera plus. »

Et l'animal, comme ayant perçu un signal, bat de la queue, vient frotter sa tête contre le mollet d'Ange, puis contre les mains tendues du nouveau venu. C'est qu'il est si gros, il a tant de poils, Gummy, qu'il pourrait bien faire disparaître Inigo entre le blanc de sa fourrure.
Cela ne le surprendrait pas.
Et la scène, dans son cœur fait naître un peu de courage. Peut-être car Echo n'est pas là, peut-être car il a trop attendu pour demander.
Peut-être parce qu'il n'y a plus de place dans les placards.

« Vous voulez prendre le thé avec moi? Et Gummy, bien sûr. »

Car le chien semble bien loin de vouloir lâcher son nouvel ami.

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Oh, moi je vais toujours bien as-tu à peine le temps de lancer, dans un sourire que du connais bien, avant de te faire happer par une marée de poils blanc.

Alors qu’il gratouille derrière l’oreille le voilà submergé de fourrure et de langue exaltée, deux pattes sur son ventre qui font s’agiter ses pieds de danseurs et qu’il l’emmènent valser.
Et comme au ralenti, comme un personnage de dessins animé submergé par un assaillant bien trop enjoué, il tombe à la renverse : l’arrière train sur le sol de l’entrée.
Pourtant, pourtant il a milles grelots dans les cordes vocales et l’envie de rire en se débattant mollement contre des salves de baisers bavouillant.

que cela doit être bien d’aimer si aisément, bêtement comme un chien
simplement
en grandes effusions joyeuses qu’on regarde tendrement.

Tu essaies de te protéger de l’attaque (enfin qu’à moitié) mais ta petite main rose fait un bien pauvre bouclier rencontrant une truffe froide et mouillée qui veut renifler ton cou. Puis Ange parle et tout d’un coup tu baisses la main, comme si tu l’avais oubliée.

Prendre le thé… Moi ? Il cligne deux fois des yeux comme une drôle de chouette, la tête roulant sur le côté. Prendre le thé en voilà une drôle d’idée, en voilà une première. je… Il aurait peur de rougir et de sentir ses joues s’embraser (c’est fou de s’affoler pour quelques actes de douceur qui sont sans doutes intéressés). D’un coup de bras, Inigo dégage sa montre, une petite chose de bien mauvaise qualité avec des rebords où le plastique s’est écaillée
où l’écran brille peu et c’est avec la force de l’habitude
qu’il faut distinguer les heures écoulées.

Tu fais semblant de réfléchir, parce qu’après tout c’est la fin de la journée. Tu n’as aucune obligation et ce n’est pas comme si quelqu’un t’attendais. Mais tu ne peux empêcher ton sourire de faiblir et ton sourcil de légèrement se froncer.
T’inviter à prendre le thé? Tu te demande ce que peux bien te vouloir Ange, ce n’est pas comme si tu avais une nouvelle babiole à lui présenter. En voilà une chose étrange, habituellement même tes clients les plus agréables ne te gardent pas bien longtemps (sauf peut être les grand-mères qui te pincent les joues et ne te laissent repartir qu’avec quelques raisins sec et des sablés sous les bras).
Mais Ange n’a rien d’une grand-mère
Il n’a pas l’air d’un serial-killer non plus (du genre qui séquestre les petits démarcheurs ?)
Si ?
Enfin tant pis, tu te redresses : avant tout il faut penser à l’argent.

Ah ! Pour vous Ange je peux faire une exception dit-il dans un clin d’oeil, car ange est vraiment bon client. Enfin, pour Gummy surtout ! C’est que cela laisse dans sa bouche une impression étrange, il faut croire que certain.es tombent vraiment facilement dans les traquenard. C’est qu’il en a eu, quelques clients enjoués prêts à gober ses bobards, mais des zélés comme Ange ? Jamais. Il soupçonnerait presque sa cargaison d’être légitime.

Tu te relèves et passes le pas de la porte qu’on t’ouvre (comme un vampire qu’on invite à entrer), ta mallette bien serrée à ton point, enfin tu te demandes quelle réduction on va bien pouvoir te demander

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Ange s'est penché. Un peu par réflexe, un peu aussi parce qu'il se demande si Inigo voudrait revenir, après que Gummy l'ait ainsi agressé. Et s'il se dit aussi que c'est un peu dramatique, s'il se dit que personne ne pourrait jamais en vouloir à son gros chien mignon, cela ne l'empêche pas, pendant un instant, de s'inquiéter.
Lorsqu'il se retrouve les fesses par terre, Ange a comme l'impression de vivre un moment de flottement, là, accroupi sur son sol, et puis, non. Il rit. Il rit et du fond de sa gorge, Ange trouve encore un soupir qui soulage les épaules, alors que ses propres doigts viennent gratter les oreilles de l'animal (sans pour autant que les yeux ne quittent la figure humaine à ses pieds).

Inigo doute. Ange le voit, se crispe un peu, aimerait rassurer, dire qu'il n'est pas obligé, qu'il peut bien partir s'il le veut après tout il n'est qu'un client après tout il ne lui doit rien et puis il vend des tisanes à longueur de journée, c'est que cela doit fatiguer il ne peut plus les voir en couleurs les boîtes pleines d'aromes qu'il ne goûte peut-être pas par pur dégoût, oh, vraiment, il ne sait pas, n'oserait s'avancer et-
Le chien vient frotter sa grosse tête à la paume du maître, comme s'il devine ses pensées qui ne s'interrompent vraiment que quand il croise de plus belle ce beau regard.

« Bien sûr, pour Gummy. »

Et comme passé sur pilotage automatique, il se lève tout droit vers la cuisine pour calmer ce cœur battant et ces pensées débordantes. Il est soudainement tout calme (pas qu'il ait eu l'air paniqué un seul instant à dire vrai), fait bouillir l'eau, sort deux tasses très jolies que sa sœur range toujours dans les plus hauts étages des placards (il a d'ailleurs un peu de mal à les atteindre) et observe Gummy ramener leur invité en secouant la queue, tout content.

« Que voulez-vous? Je vais me faire du thé à la menthe. » Petit éclair de reconnaissance, et il pointe vaguement le salon de la paume. Ah, définitivement, il n'est pas celui qui accueille le mieux les invités, dans cette famille. « Installez-vous. Je suis sûr que Gummy sera ravi de faire de vous son nouveau fauteuil. »

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