Suite de (www))

Ses pas résonnent dans le hall de son immeuble étudiant avant qu’il n’en sorte en trombe, sans prendre le temps de s’excuser auprès des locataires qu’il bousculait alors qu’ils devaient rentrer de cours.
Il avait autre chose à penser à l’heure actuelle.
Comme le meurtre qu’il venait de voir et la personne résponsable.

Il ne sent pas sa respiration siffler ni ne sent ses jambes brûler quand il court le plus vite possible les rues qu’il connaissait si bien, entre son appartement et le cinéma. Et le territoire des Panthers. Et sa soeur.
Son téléphone lourd de secrets dans sa poche et il accélère, carrefours après carrefours en évitant un maximum de feux verts. Puis lui vient l’idée de sortir son téléphone pour checker la localisation de Conan et il se trouvait bien plus près que prévu.
Quelques croisements et le point se rapproche
et puis

Conan.

Une main sur son hoodie et il le propulse dans une rue adjacente et vide, avec sûrement plus de force qu’il n’aurait pensé avoir en étant aussi exténué. Les poumons en feu mais il trouve quand même la force de le forcer contre un mur à le regarder, que Conan lise la colère et l’incompréhension dans ses yeux. les yeux fous de dilemme.

CONAN.

La voix enrouée par son souffle laborieux et il lui colle son portable sous le nez, où la vidéo s’affiche en boucle.

Bang.

Ses doigts tremblent contre le tissu de sa veste mais il ne lâche pas prise.

Explique-toi.

Moins fort mais plus ferme pour ne pas alerter les passants un peu plus loin, mais toute son attention est sur le jeune homme devant lui.

Plus jeune que lui.
Venant d'arracher deux vies.

Et dont la survie de la sienne reposait dans les images gravées sur son portable.
Entre son ami et sa sœur, si sa loyauté était prononcée, il voulait au moins connaître sa version de l’histoire.

Avant de le condamner.

Pris dans sa panique il ne voit le deuxième homme que lorsque Conan lui dit de partir et ne remarque la lame que lorsqu’elle quitte sa gorge.
Puis il le fait lâcher sa prise alors Elliot recule d’un demi-pas, baissant son portable pour le ranger dans sa poche sans le lâcher.
Une question par une question et il sert les dents, haussant les épaules.

Je surveillais les caméras. En travaillant pour le cinéma. Les yeux levés au ciel un instant. Vérifie qu’il n’y a pas de caméra avant de...faire ça.

Parce qu’il n’arrivait pas à le dire, ça serait trop final. Trop réel. Il espérait encore se réveiller, mais ses jambes et ses poumons brûlaient alors quelque part il savait.
tu vas me vendre?
Ç’aurait déjà dû être fait. Il entend d’ici sa sœur lui demander pourquoi il ne l’avait pas prévenue plus tôt, et Elliot. Elliot ne saurait pas quoi répondre.

J’aurais dû.

Un reniflement ébahis et sa main libre vient tirer sur ses racines, se retenant à peine de tourner en rond.

Pas le choix? Quoi, on t’as obligé? Ramener des gens et les buter devant le ciné? Tu travailles pour quel gang?

Parce qu’il y avait une guerre qui allait éclater et si Conan n’était pas assez convaincant pour Elliot, alors Conan était mort. Allary allait s’en assurer.
Le mal de crâne arrivait à grande vitesse et il pince l’arrête de son nez, tendu et épuisé.

Conan je vois des... je connais des Panthers. Et je ne peux pas mentir. Vraiment. Physiquement pas mentir ok? Donne moi une putain de bonne raison de t’aider parce que les Panthers sont pas des enfants de coeurs et ça va être vla compliqué de reconnaitre ton cadavre si elles te retrouvent.

Et par ma faute. Il ne voulait pas de ce fardeau à porter.

tu fais partie de ces gens.

Ses épaules s’affaissent et toute sa colère disparaît.
Le vide. Rien que le vide.
Oh.
Les cobras voulaient la guerre aux Panthers et que Conan obéisse ou non, la guerre aurait eu lieu. Parce qu’éliminer Elliot, pour Allary, ça serait revenu au même, non?
Alors il baisse les yeux vers ceux de Conan pour y voir les larmes et les regrets.
Et la peur.
Tellement de peur.
Trop d’émotions qui s’y déversent alors Elliot ferme les siens et frotte ses paupières avec ses paumes, un soupire résigné résonnant dans le lourd silence.

Alors la guerre aurait eu lieu quoi qu’il arrive. Ma soeur-

Il hésite avant de laisser tomber ses bras pour montrer son visage fatigué.
Ma soeur est la cheffe des Panthers.

Ma soeur fait partie des Panthers. Que t’ais dis oui ou non ça serait revenu au même.

Les sourcils froncés et le coeur ouvert, il jette son hésitation par dessus la fenêtre et s’avance pour le prendre dans ses bras.

Eh, tu vas pas mourir ok? Je...Je vais supprimer la vidéo et, et on va jamais en parler, et ça va aller ok?

Une main dans ses cheveux et il le presse contre lui, les yeux dans le vide et le cerveau à toute allure.

Tu vas pas mourir.

Un murmure.

Tu vas pas mourir.

Silence.

Promis

Une promesse en l’air s’il n’arrive pas à convaincre sa soeur. Mais il tenait sa vie entre ses doigts.

Il sent son étreinte de resserrer et la main dans ses cheveux continue sa course rassurante. Un mouvement d’épaules en essayant de ne pas le frapper avec et il fronce les sourcils.

J’en sais rien écoute, je vais trouver.

Son cerveau cherchait déjà une solution qu’il savait trouver bientôt. Il était bon pour ça, Elliot, après tout.
Savoir.
Il recule sa tête pour pouvoir le regarder dans les yeux -il était un peu trop près mais c’était pas sa première préoccupation.

Tu fais profiles bas et tu dis à ton boss que t’as réussi. Juste la vérité ok? Tu mentionnes ni moi ni la vidéo.

Vidéo qu’il devait supprimer parce qu’aucune preuve de son implication ne devait exister. S’il devait protéger Conan des Panthers, il devra supprimer toute trace avec lesquelles on pouvait le reconnaître.

Conan s’éloigne sous son regard perplexe et il lève les yeux au ciel en voyant l’arme briller à nouveau. Un regard fatigué se pose sur celui qui avait tout de l’animal piégé.

Conan, range ce couteau, ça sert à rien. T’as fais ce que t’avais à faire et je risque rien venant des Panthers.

Personne ne s’y risquerait si Allary savait.
Et si Allary savait
Peut-être qu’il pourrait lui expliquer.
Parce qu’il avait ses raisons aussi et s’il y mettait assez de conviction, elle devrait le comprendre, non?
non?

Aggrave pas ton cas. Si la vidéo n’existe plus il y a plus aucune trace de ton implication.

Il se mord la lèvre.

Fais profil bas pendant quelques jours. J’te tiendrais au courant pour la suite ok?

Il réfléchit quelques instants avant de faire une moue hésitante.

On discute comme si de rien n’était, c’est p’têt risqué. Si tu veux en parler on se retrouve dehors ok? Ou chez moi c’est safe. Je me suis suffisamment protégé pour ça.

j’espère.
Mais ça il ne le précise pas.

Ah, oui bien sûr. Traîne pas.

Mais il ne bouge pas et ses yeux semblent s’embrumer, perdu dans des pensées qu’Elliot ne pouvait qu’imaginer. Mais leurs yeux plongés les uns dans les autres et ses sourcils se rapprochent, inquiet.

Eh.

Des murmures paniqués, l’ombre d’une crise de panique et Elliot se précipite pour poser ses mains par-dessus celles de Conan autour de son crâne, forçant ses yeux à son niveau.

Conan, Conan, eh, t’as fais au mieux, tu pouvais pas faire autrement, c’était pour sauver des innocents ok? Pour moi. Pour me sauver moi. Tu m’as sauvé la vie ok? Merci. Merci.

Ses doigts qui caressent ses tempes dans l' espoir de le calmer, et des mots d'une sincérité enivrante.

Les dents serrées pour ne pas penser aux innocents, ceux qu’il avait vu mourir. Sous ses yeux. c'était eux ou moi.
Il n’est pas vraiment convaincu. Sans doute pas assez égoïste.

Il hoche la tête quand Conan parle, un peu plus insistant quand il hésite et que ses paroles butent pour sortir.

Oui t’en fais pas je te dis dès que j’ai des news.

Dès qu’il voit sa sœur et qu’il espère, pour la première fois devant elle, il saura mentir.
Mais Conan s’approche et sous ses sourcils relevés, il le prend à son tour dans ses bras, un murmure dans le silence.

Merci.

Un sourire, sans doute le premier depuis vingt minutes. Il presse le visage de Conan contre lui, sentant l’humidité descendre dans le col de son sweat et referme ses mains dans son dos, les faisant osciller de droite à gauche, doucement, pour le calmer.

Tu me remercieras quand ça sera bon. Devant un dîner et c’est toi qui pais.

Un léger rire parce qu’il sait que c’est lui qui finira par payer, parce que c’est lui qui a l’argent. Après une dernière étreinte, il s'éloigne, passe sa manche sous ses yeux pour essuyer son visage sans lui faire mal.

Allez. Vas-y. Dès que tu sors, tu m’envoies un message, tu rentres et tu dors. Ok?