il prend très exactements trois fois son souffle avant de toquer ; deux fois. il entend sa voix en fond et on lui ouvre, il hoche la tête aux secrétaires, poliment, et s'approche de son bureau. il était impressionnant, alors il avale sa salive avant de parler.

— bonjour, glenn ! un peu trop enjoué, peut-être.

il s'exécute et ferme la porte, doucement, en se raclant la gorge pour se reprendre. il s'assoit ensuite, les mains sur les genoux et l'air d'un enfant de collège que l'on aurait convoqué pour bavure.

— parfait, on sera plus tranquille, effectivement...

conan évitait un peu agon, ces derniers temps et puis ils préféraient tous deux ne pas être vus ensemble ; alors ils feignaient la méconnaissance devant le chef et se voyaient en secret.

— je voulais te demander un service, si ça ne te dérange pas.

il déglutit. demander un service au bras droit ; c'était étrange. rien à voir avec le gang, cependant, donc il priait pour être entendue et non traité comme les feuilles volantes dispersées sur le bureau de glenn.

— je... j'aimerais reprendre des études mais je n'ai pas eu de très bons derniers bulletins scolaires. tu penses que ce serait possible d'avoir... une lettre de recommandation ? il manque de balbutier à plusieurs reprises mais parle lentement pour se l'éviter. il rajoute : ce serait pour un cursus de médecine.

il prend place sur la chaise, doucement, regardant de temps à autres glenn sans pour autant soutenir son regard - un peu gêné par le contact prolongé de ses iris.

— non, non, pas d'excuses...! enfin, c'est-à-dire que je ne parle pas non plus énormément de ma vie, hum... privée.

il cherchait ses mots au fur et à mesure que sa phrase se composait. il n'avait plus l'habitude de ce cadre particulier ; celui du semi-formel. il prends son menton entre ses doigts, cette mine réflective qui ne lui ressemble pas tellement, finalement.

— en réalité, j'ai toujours bien aimé les sciences... mais comme je n'ai jamais pu entrer à l'université, pause. enfin, pas encore ! eh bien, je suppose que la médecine serait adaptée à mes compétences.

il étira les lèvres en un sourire mesuré.

— c'est aussi mon don, je crois. je dois pouvoir soigner certaines maladies.

il se gratte la nuque à l'évocation de son pouvoir - chose qu'il ne fait que trop peur souvent, préférant l'oublier. pourtant, il devrait bien l'accepter, un jour et, peut-être, cela se fera-t-il avec les études.
en tout cas, liam l'aidait déjà bien à s'essayer de le contrôler.

— je ne m'en suis jamais vraiment servi mais... je suppose que c'est un signe ?

il produit un hum sonore.

— et ici, je ne sais pas... c'est peut-être plus.. facile ? je veux dire, c'est un peu à nous, de ce que j'ai cru comprendre.

il penche la tête.

— tu aimes bien travailler ici, toi ?

— est-ce que je... quoi?

il est pris de court, conan. ses yeux dardent d'un bout à l'autre du bureau et il était tenté de se lever pour prendre simplement congé pour réfléchir à cette question qu'on ne lui avait jamais posée.

— je... ne crois pas ? je ne sais pas.

il ne balbutie pas mais ne sait quoi en penser ; qu'est-ce que glenn cherche à tirer de lui ? est-ce un stratagème particulier ? qu'avait-il fait de particulier aux frères schreiner pour être ainsi sollicité de toutes parts ?

— pourquoi ? demande-t-il finalement.

son poing se serre et il relève les yeux vers glenn.

— pourquoi toi et agon vous pensez autant pouvoir lire en moi comme dans un livre ouvert ?

peut-être est-il finalement influencé - pas par leur vision de lui mais par ce qu'ils s'attendent à trouver en lui. ou peut-être qu'il s'agit encore d'un mensonge.
peut-être qu'il se déteste vraiment.

— peut-être que je vais regretter mais en attendant je vois pas d'autres alternatives pour faire quelque chose de ma peau en dehors des cobras.

l'atmosphère avait changée ; il l'avait senti. il se mord la lèvre, un peu gêné de s'être emporté ainsi. il avait tendance à être un peu trop impulsif, sans forcément considérer les conséquences de ses mots, ni celles de ses actions. il délie son poing.

— demain c'est parfait.

et ça aurait dû se terminer là. il aurait simplement pu s'en tenir là. pourtant, il ne se lève pas et laisse le silence s'installer. il fait face à un dilemme ; se taire ou parler. il décide de continuer dans l'impulsivité, à ses risques et périls.

— c'est moi qui suis désolé.

il cherche à nouveau le contact de ses iris, comme une ancre ou un phare dans la nuit, histoire d'avoir un repère, quelque chose de familier.

— c'est juste qu'il se passe... tellement de choses et... j'ai l'impression de me perdre.

il baisse la tête.

— 'fin, tu sais, dans le sens où j'ai peur de plus savoir qui je suis... ou si je suis quelqu'un tout court, au final.

et si j'étais comme trésor? cette ombre de lui qui le pourchasse depuis l'adolescence - cette épée de damoclès qu'il s'impose lui-même, tellement occupée à ne pas vouloir être lui qu'il finit peut-être par l'être à ses dépends. au final, il se perd.

— je sais pas si c'est... indiscret mais... comment tu fais toi ? je veux dire... agon est... ah, comment dire ? euh, très présent ? t'as pas peur de... non, pardon, c'est peut-être de trop.

— je vois...

il ne sait quoi penser de la réponse de glenn, si elle le satisfait ou non. il tique à la question qui suit - comme toujours lorsqu'il entend son nom, c'est automatique. ça ne devrait plus rien lui faire, depuis le temps. ça n'aurait rien fait s'il avait fait son deuil.

— oui, c'est lui, trésor, commence-t-il. et oui.

il réfléchit. il se demande si la question à un sens, un intérêt, quelque chose qu'elle doit faire sortir de lui, car ça serait le bon moment. peut-être qu'il n'en aurait bientôt plus l'occasion - l'opération qui approche - et il se demande pourquoi il se préoccupe de ses études dans ce moment là.
peut-être un besoin de se changer les idées. mais il n'arrive jamais à les changer quand il s'agit de lui.

— en réalité, j'ai toujours tout fait pour lui alors qu'il est mort.

les mots ont un goût acide quand ils passent sa bouche.

— je voulais savoir ce qu'il lui était arrivé, pourquoi il s'était mis en danger comme ça. une pause, une hésitation. et puis je suis resté avec vous, j'avais trop peur de repartir et j'avais - j'ai toujours - besoin de savoir la vérité.

il penche la tête.

— mais je sais même pas ce que je vais en faire de cette vérité. je vais sûrement apprendre qu'il vous a trahi et puis quoi ? qu'est-ce que ça va m'apporter, de le savoir ? rien du tout, en fait.

il lève les yeux.

— peut-être que j'aimerais me débarrasser de son fantôme plus que le retrouver au final. il réalise. pardon, je raconte un peu trop ma vie, sûrement.

— parce que je suis pas sûr que j'ai la bonne réponse. ou s'il y en a une tout court.

tu le connaissais mieux que moi, avait dit glenn avant et conan n'avait jamais été moins convaincu par une phrase. au final, il n'est absolument pas certain de connaître trésor. est-ce qu'il a une idée de lui ? oui. des bribes de ce qu'il était ? peut-être. mais qu'avec lui. que quand il était à la maison. et il sait ; il sait au fond qu'il n'était pas ce qu'il montrait chez ses parents.

— j'ai l'impression que personne l'a connu, ou que très vaguement. à se demander s'il a vraiment existé ou si tout le monde l'a imaginé pour me torturer l'esprit tout ce temps.

il souffle ; deux fois, comme si une n'était pas assez.

— je sais que c'est moins important que je le fais paraître mais il m'a poussé, malgré lui, à faire trop de choix que je n'aurais pas dû faire. ou, en tout cas, pas dans ces conditions.

rejoindre les cobras, par exemple.

— c'est trop tard maintenant, je suppose. c'est comme tu dis : « j'ai choisi mon frère et je sais ce que cela inclut, même si ça ne me plaît pas toujours ».

est-il condamné à rester dans l'ombre d'un mort toute sa vie ?

touché. conan ne sait même plus quoi dire. il se contente de baisser la tête ; encore et toujours, cette habitude de s'écraser devant ceux qui ont raison. il relève cependant les iris vers les siens lorsqu'il lui annonce qu'il ne fera pas sa lettre.

— quoi ? lâche-t-il, très honnêtement étonné.

la posture de glenn n'invitait cependant pas à la discussion et il sait qu'elle ne servirait à rien. il grommèle et se ravise donc.

— ok. je comprends. normal.

il l'a un peu mauvaise ; mais c'est parce qu'il n'a pas vraiment eu l'habitude de se faire refuser des choses, au final - il a eu des parents plutôt soucieux qu'il ai tout ce qu'il voulait, pour tenter de le convaincre de rester.
il aurait dû le comprendre et l'accepter.

il hésite à se lever. esquisse le mouvement plusieurs fois.

— je crois que j'ai besoin de réfléchir.

il hésite toujours et il ne sait pas pourquoi. peut-être pour voir si il serait retenu.

— merci pour la discussion, glenn.