Les céphalées et insomnies ayant brisé son rythme de sommeil depuis bien trop longtemps, il se perd dans les rues illuminées par ceux qui vivaient la nuit. Les insignes néons et tape-à-l’oeil débordaient du champ de vision mais Elliot était plus concentré sur sa destination. Daily Street n’était plus inconnue, pour les innombrables venues au Casino de sa famille et toutes ses nuits sans sommeils à attiser le danger.

Les mains au fond des poches de sa veste il accélère le pas, quand l’insigne de la boutique se fait apparente, avide d'échapper au froid de janvier. Il aurait sans doute dû mettre un manteau mais la température lui était sortie de la tête quand il avait franchi sans bruit le pas de la porte de son appartement. Un soupire s’échappe de ses lèvres quand il passe la porte du 7-eleven, sourit au caissier -qui avait l’air de vouloir être tout sauf là- et se dirige vers le fond du magasin.

Les minutes s’écoulent perdus dans son dilemme -lait banane ou lait fraise?- et il ne remarque pas la présence à ses côtés jusqu’à sentir un regard braqué sur lui. Clignant des yeux et se décidant pour le plus proche de sa main -banane ça sera- il tourne la tête et croise le regard de la seule personne dans le rayon. Jeune, l’air perdu, mignon, et surtout

Woah t’es plus petit que moi.

Aucun filtre pour sa bouche mais il retient sa main qui menaçait de lui tendre le lait qu’il venait d’attraper, et fronce les sourcils en s’entendant parler.

Ah, déso. Pas l’habitude, ça devient rare.

Pas beaucoup mieux.

Son visage se crispe de colère et celui d'Elliot se décore d’un sourire effronté. Réaction compréhensible bien que lui ne soit aucunement sensible aux railleries sur sa taille, ayant fait la paix avec son petit mètre soixante-quatre depuis des années maintenant. Mais les paroles blessées et les pas assurés ne le font pas ciller et il garde les yeux sur son visage -à peine plus bas que lui. Sa nuque en était reconnaissante.

Il hausse les épaules à la remarque sur sa petitesse, tentant de ne pas trop loucher et laisse échapper un petit soupir lorsqu’il recule légèrement. Un coup d’oeil à sa brique puis à l’encre noire qui dépassait du col de sa veste, et sa main libre vient tirer un peu sur le tissu pour laisser plus de peau visible.

Oh, bah merci j’en ai plein d'autre.

Un autre rire et son regard curieux revient sur le jeune homme.

Te vexes pas pour ça c’était pas mon but. Un grand geste des mains. Plus on accepte tôt, mieux c’est! Et c’est pas avec... un regard vers la brique. du lait banane que ça changera quelque chose. Mais c’est bon. T’en veux?

Il désigne le rayon de sa main de libre, le visage amical comme si son interlocuteur n’était pas vexé par ses précédents propos.

L’animosité semble retomber et le sourire d’Elliot se fait plus doux en suivant le jeune garçon des yeux lorsqu’il se penche pour prendre l’autre brique de lait. Satisfait d’avoir évité, plus ou moins, des ennuis -même si Juan l’avait suffisamment entraîné pour qu’il sache retourner quelqu’un avant de prendre les jambes à son cou- sa posture se fait plus lâche et coince un rire entre ses lèvres pincées à la remarque. Oui oui, ses tatouages valent le détour. Il devra penser à en parler à Ezéchiel un de ces jours, ça devrait lui faire plaisir.

Un coup d’oeil au panier et il hausse les sourcils un court instant, peu habitué à faire ses courses alimentaires à minuit. Mais après tout bon nombre de personnes travaillaient trop la journée et n’avaient le temps de sortir que trop tard, alors il se passe de commentaire mais attrape la brique avant qu’elle n’atterisse au milieu les aliments.

J’te la pais, j’te dois au moins ça.

Et ce n’était qu’une brique de lait, mais il avait suffisamment d’argent pour acheter autant de briques qu’il voulait. Puis sa question lui arrache un petit rire amusé qui remonte ses joues et il passe une main dans ses cheveux par habitude avant qu’ils ne lui tombent devant le visage à force de trop se secouer.

Elliot. Toi?

Les mains jointent derrière son dos et tenant les deux laits, il le suit sagement dans ses courses, étant donné qu’il n’avait pas vraiment d’autres choses à acheter.

Il hoche la tête à son prénom et l’enregistre dans un coin de sa tête -pas qu’il n’ait vraiment le choix ceci dit. Le suivant dans les rayons, il laisse son regard se balader à droite et à gauche en évitant de lire ce qu’il voyait, peu désireux de connaître par cœur la composition des conserves de petits pois.

Il balaie d’un mouvement de poignet les remerciements, conscient qu’il pouvait se le permettre et que c’était le minimum syndical. Sale gosse, mais pas un connard. Obéissant, il le suit jusqu’à la caisse et paie pour les deux articles après lui, sortant sa carte sans regarder le prix, avant de suivre Conan à l’extérieur. Le froid lui procure un frisson désagréable et il s’empresse de fermer sa veste une fois qu’une de ses mains est libre.

Mmh, j’ai suffisamment d’argents on va dire.

Allavy ayant repris le casino, elle ramenait plus d’argents que lui ce qui lui permettait de garder une plus grosse marge; et son auto-entreprise couvrait largement ses frais, alors il regardait jour après jour son compte en banque grimper. Il y avait peu de chance qu’il retombe dans la précarité, et ce n’était pas deux petites briques de lait qui allaient changer ça.

Ma famille gagne bien sa vie alors je garde la majorité de l’argent que je me fais.

Il se pose à côté de Conan sur le banc avec un grand sourire , ouvrant à son tour sa boisson.

Oui hein! J’ai l’habitude d’en boire pendant mes insomnies mais j’en avais plus dans le frigo. Ca ou du café. Mais ça aide pas de ouf à dormir le café donc p’têt à éviter le soir. T’es insomniaque ou juste nocturne?

Puis l’entente de son métier le fait tourner la tête, une pointe d’excitation dans son regard et il s’approche un peu plus.

Sérieux? Grave cool, t’as un salon quelque part ou t’es en apprentissage? Et merci pour Ez j’lui passerais le message, j’suis sûr ça lui fera plaisir. Entre collègues, tout ça.

Une gorgée pour reprendre son souffle avant de continuer.

C’est lui qui m’a tatoué les bras et le cou, puis une partie du torse un peu, mais genre j’ai pas trop cherché, il est doué, sympa et, genre, une connaissance de ma soeur donc on fait avec les relations. Mais grave cool.

Il n’était pas bête, Elliot, et ça se voyait dans ses yeux qu’il cachait quelque chose. Dans ses yeux et dans sa voix, mais il se contente de sourire et hocher la tête, peu enclin à l’exposer alors qu’il tentait justement de se racheter. Il reste immobile et attentif, détachant le vrai du faux comme il le pouvait, analysant inconsciemment ses expressions. Allary avait sûrement déteint sur lui depuis le temps

Mais il le prend un peu en pitié et décide de jouer les imbécile, au moins pour le rassurer un peu.

Ca se tient, y a tellement de gens nocturnes que ça m’étonne même pas. Puis dans ce quartier en plus doit y avoir du 24/7.

La conversation revient sur lui et son sourire s'agrandit encore, se penchant légèrement en arrière pour s’appuyer sur ses mains.

Yep, insomnies et mal de crâne en général! Je suis encore étudiant dans, genre, ma troisième filière? Des métiers par-ci par-là, en ce moment c’est chez le fleuriste. Et je suis hacker freelance, regarde.

D’une poche intérieur il en sort un petit papier rectangulaire et plastifié pour l’agiter devant son nez.

J’ai même une carte de visite.

Un rire satisfait en la regardant, imprimant pour la centième fois l’encre formant son nom et son adresse pro.

D’où l’argent qui afflue. Ca paie vachement mieux que c’qu’on pense, surtout selon les clients.

Surtout quand ce sont les gangs qui l’embauchent et qu’il fait payer son silence avec. Il retourne la carte entre ses doigts et la tend à nouveau à Conan.

Tu la veux? Tiens on sait jamais. T’as quel âge au fait? T’as l’air d’avoir viteuf le même âge, c’est bg d’être déjà tatoueur si jeune.

Conan prend sa carte sous son regard attentif et l’excitation éclos à l’idée de recevoir son numéro. Il hoche la tete à l’annonce de son âge et se pince les lèvres en retenant un rire à la mention du sien; presque.

Pas encore, on a qu’un an d’écart. J’en ai vingt-deux.

Il se retient de parler de leur physique qui trompent facilement leur âge, pour la simple raison qu’il n’a pas envie de se lancer dans les sujets de la famille. Et puis Conan revient sur son principal métier, alors il réfléchit avec un mmh sonore avant de répondre, franc.

Un peu de tout? N’importe qui peut m’embaucher alors j’ai déjà eu des membres de gangs ouais, plusieurs je pense. J’suis pas dans tout ça donc tant que l’argent est là et que les civils sont safe, je t’avoue que je cherche pas plus loin.

A part que ma soeur aînée est cheffe de gang.
Il se repenche en avant pour mettre ses mains au chaud dans ses poches et tient sa langue, jusqu’à la question suivante.

Arts! Avant j’ai fais langues étrangères et informatique mais, euh, c’est mon pouvoir, j'apprends tout très vite donc ça m’a saoulé en quelques mois. Les arts ça va parce que même en ayant la théorie, faut la pratique t’sais? Donc c’est tranquille comme études.

C’était le plus proche de ce qu’il pouvait avoir comme études normales. Ca et le sport mais il avait vraiment pas la foi de se lancer dedans; il préférait aider plutôt que faire, sur ce plan-là.

Un coup d’oeil au sac de courses et il fronce les sourcils, inquiet.

Ça va aller tes courses? Il fait froid mais faut p’têt pas que tout reste dehors trop longtemps.

Pas qu’il veuille qu’il s’en aille particulièrement, mais il n’avait pas envie de le retenir trop longtemps s’il avait besoin de cuisiner ou de dormir.

Il semble avoir un moment de réalisation et lui tire un sourire en coin, les yeux fixés sur Conan pendant qu’il se lève et n’avait pas l’impression de savoir quoi faire. Elliot entendait presque les rouages qui tournaient dans sa tête pour finalement se tourner vers lui; et Elliot accepte évidemment sa proposition, puisqu’il n’avait pas vraiment d’autre endroit où aller. Alors il se lève et le suit le long des rues sans vraiment faire attention vers là où ils allaient, attentif aux paroles prononcées.

Ah, ouais j’ai sauté quelques classes du coup.

Il n’en rajoute pas plus parce qu’il n’avait pas spécialement envie de s’étendre sur les inconvénients de son pouvoir, comme les accusations et brutalités de ses camarades, qui ne voyaient pas forcément bien le fait qu’il ne travaille pas pour être premier de la classe, puis qu’il soit plus petit, puis qu’on décide qu’il n’avait tout bonnement pas de pouvoir. Il avait tourné la page et accepté pleinement son don et ses inconvénients.

T’inquiète, fit-il avec un haussement d’épaules c’est pas pour tout le monde les études et c’est pas juste avec ça qu’on peut avoir une belle vie.

Sa question lui fait faire mine de réfléchir avant qu’il ne commence à compter sur ses doigts toutes les langues qu’il connaissait -il avait lu beaucoup trop de dictionnaires pendant sa...sombre période il y a deux ans.

En cours j’ai étudié le chinois et le français, et sinon j’ai appris le norvégien, l’italien, le russe, l’espagnol, le japonais, coréen et euh indien en lisant des dictionnaires et cours. Je voulais en apprendre d’autre mais, -overdose- ma tête aurait explosé.

Un rire pour masquer l’amertume, et passer sous silence le fait qu’il connaisse les trois langues d’Asie depuis qu’il était petit, avant ses premiers souvenirs. Une sorte d’aide inutile pour apprendre ses origines puisqu’il les aurait appris avec ses parents biologiques. Mais ses vrais parents étaient les Corleone, alors il se contente de sourire et rediriger ses yeux vers la rue.

Ca fait très nerdy haha mais bon on s’occupe comme on peut.

Sa question lui tire un haussement de sourcils et il hausse une seconde fois les épaules.

Nan t’inquiète, toute façon je pense pas rentrer chez moi là j’suis pas fatigué. Ah, c’est là? C’est sympa.

Ils s’étaient arrêtés devant un petit appartement juste devant un hall d’entrée et Elliot le regarde ouvrir la porte, immobile sur le trottoir, les mains dans les poches. Un sourire et il agite sa main quand Conan se retourne, avec sans doute trop d’énergie avant de porter sa main à son oreille dans le signe universel du téléphone.

Bon bah bonne nuit c’était grave sympa de t’rencontrer! Et déso encore mais heh, t’es vraiment plus petit que moi. sms moi!

Un rire sonore et clairement amusé et il se retourne pour fuire sa réponse, attendant d’être au bout de la rue pour sortir son portable et checker l’itinéraire entre sa position et l’appartement de sa soeur ainée. Puis il le range dans sa poche, un sourire plus doux, impatient de recevoir un sms inconnu.