bras cassé
ft Ascelin

Elle retient un soupir d’exaspération. La patiente, étendue devant elle, fer en l’air, ne semble jamais se tarir de détails imagés d’une vie sexuelle trépidante, entrecoupant par moment son récit de grognements de douleur.

« vous comprenez docteur, c’est son anniversaire, et je voulais lui faire plaisir en réalisant un de ses fantasmes… »
Gretel se retient de répondre que la plupart des fantasmes devraient rester au stade de fantasme ; mais elle craint que sa patiente perçoive une forme de jugement dans son constat, stresse, se contracte et rende l’extraction de la bouteille de champagne difficile.

« Bon. » Neutre, mais autoritaire, elle l’interrompt finalement.
« Les anti-douleurs que je viens de vous administrer devraient faire effets rapidement et vous soulager. Essayez de vous détendre autant que vous le pouvez,  et appelez l’infirmière si la douleur persiste. On avisera à ce moment là. À tout à l’heure ! »
Elle tourne les talons et s’empresse de quitter la chambre, passant le relais à l’une des infirmières sous sa direction.

Minuit est passé, la fatigue commence à poindre, doucement. Elle s’accorde quelques minutes pour échouer à la machine à café, et avale en vitesse un café fade ; lui rappelant qu’elle n’est pas allée boire un bon café de Loïs depuis longtemps.
On vient la chercher au moment où elle balance sans conviction le petit gobelet en plastique dans la poubelle ; un type, peut-être alcoolisé ou drogué à première vue, sérieusement blessé au bras.

« Ok. Vous l’installez sur un fauteuil roulant pour le déplacer, il ne faudrait pas qu’il tombe et aggrave son cas. Il y a d’autres urgences ? »
L’infirmier acquiesce, puis hausse les épaules.
« Bon. Je vais passer rapidement à l’accueil. Vous le transférez en salle d’examen 1 et préparez de quoi lui faire une prise de sang, j’arrive. »

Elle accélère le pas en direction de la salle d'attente des urgences, et s'entretient rapidement avec la secrétaire médicale. Le service était relativement calme pour l'instant, lui arrachant un petit soupir de soulagement, avant qu'elle ne se hâte de nouveau en direction des salles d'examens.

« Bonsoir… »
Elle pousse la porte, et s’arrête deux secondes pour détailler de haut en bas le drôle d’énergumène, encore installé sur le fauteuil roulant. La nuit sera longue.