au soleil le crépuscule sanglant qui mange les nuages
les moutons qui courent sur le ciel à ((l’horizontale))
en violents rebonds,
les rayons cinglants

sur la haute tour de diamants

((royaume des soixante-trois étages ah,

c’est qu’au sommet l’attend aujourd’hui ((comme tous les jours)) la braise des fins de journée,
flamme de son intense cruauté
lui lance les glaces de son cœur pour mieux les fondre
a ses pieds ;

le tout,
dans le goût de poudre satinée qui laisse un souvenir inoubliable sur le bout des digitales.

c’était comme se délecter de délicieuses minutes après l’ardu travail
les chiffres sur le clavier
les mains dans celles les autres
l’apathie surveillée
((portefeuille sur portefeuille qui se compte par milliards de dollars)) mais

sonné dix-huit heures,
ces chiffres retourneront à la veille des ordinateurs,
car ce sont des chiffres
qui ne resteront rien d’autres qu’une ribambelle de trophées sur le papier.

les talons claquent sur le carrelage marbré entretenu par milles soins
du hall des dragons tout puissants ;
le silence assourdissant d’un ascenseur doré,
sibilation des cages qui vient craqueler les tympans,

sonne,
((ding dong))
le soixante-troisième mont.

irene le concède,
c’était un bel étage pour surplomber la ville
s’y faire roi.

au menu du jour,
légère intrigue dans les rétines qui ont les scions inquisiteurs des plus exigeants

car leslie a toujours des idées qui l’emplissent d’une certaine joie
((si la satisfaction étrange ressentie face à des bières en canette
drogue injectée directement dans ses veines)) – que son rein la haïrait bien un jour
que son foie lui cracherait une bile si amère que les bulles en comptine pompette ne suffiraient à endiguer –
pouvait être qualifié de joie.

mais,
aujourd’hui est un jour
demain en sera un autre
comme une addiction sans retournement.

c’est une odeur de cigarette froide qui accompagne sa venue
mêlée à un parfum haut de gamme,
pour souligner son manteau dior et son tailleur qui la découpe en figure sauvage
au milieu du velours tant aimé des dragons ((la famille qui s’y coule douce)).

il y a,
de toutes façons,
dans leurs veines autant de vices que de haine que d’amour
que de passion assez pour enflammer en immolation leur propre être

que de plus ou de moins
l’éthanol n’a qu’une minable étincelle dans leur grand feu de joie ;

comme une offrande offerte aux dieux mineurs,
l’oblation de sa pupille ((si seulement il pouvait lui arracher les deux yeux car
il a bien plus de sang sur les jointures entre les articulations
qu’elle n’en aurait de lambeaux,
déchiquetés,
entre les dents)) ;

a des goûts sincères de bonne volonté

et irene lui lance un sourire étiré sur ses lèvres qui n’ont de douceur que l’apparence empoissonnée.

❝ eh bien,
merci,
leslie.

madame ne se fait jamais prier
((pas pour sa bière en canette qui avait été tant et si bien disposée avec un soin si particulier))
qu’il aurait presque été dommage de déranger ce tableau impromptu de mauvaise aigreur qui picote la langue
a la richesse apparente de cet espace tout entier ;

irene n’a de honte à s’empoisonner à la mauvaise bière
c’était là son propre joug.

quelques claquements de talons plus tard,
ce sont les fesses posées sur le canapé si doux ((rouge rouge pour contraster
l’or l’or des ornements))
et d’un peu de vide
pour creuser la banquise.

❝ alors,
quel est le prix retour que je te dois pour cette surprise ?

il n’y a pas de dupe ;
car une surprise se repent une surprise ((se rend))
et irene est consciente de cette loi des bons échanges qui règne sur la droiture rigide de leslie
aussi verticale que sa silhouette plantée

en éclipse étrange aussi brûlante que néant,
devant la baie enflammée des rages étouffées ;
si furieux que sa tignasse entière semblait s’y consumer.

pourtant,
les stalactites dans son regard n’ont que des pointes acérées tout amour.