encore une soirée qui s’enfile dans
les constellations les étoiles qui plombent
le ciel souillent la nuit de sa splendeur sombre ;

encore une soirée ((pas)) comme les autres
et c’est la froideur qui s’écoule
(non)

c’était juste
l’indifférence certaine quotidienne
pointe de douceur

qui vient écarteler les glaciers de ses rétines
gris, gris sauvage gris déboires gris
calme


mais irene n’a pas le poids de sa propre conscience
sur son âme ;
car l’harmonie de ses antres se fond dans la dou(l)ceur de ses paroles.

ses talons claquent
dans le hall d’entrée dans l’ascenseur dans le couloir

celui-là qui ne menait pas chez elle
et pourtant elle s’y sentait ;
eden a le nom de leur jardin secret

leurs
((poids)) échangés
par le temps de quelques heures
quelques soirées
((douces vêprées)).

irene n’est jamais apprêtée pour aller passer la nuit
mais toujours pour le mener loin de ses hérésies ;

lève la main pour toquer à la porte,
c’est délicat ;
les négociations pas comme
le bruit des balles de plombs qui viennent cribler ses promenades.

c’est irene et ça ne l’est pas ;

pourtant des tempêtes
il y en a eu dans leurs regards
dans leurs partages
dans leurs caresses échangées en chaînes qui s’écrasent
contre la poitrine pour asphyxier les pensées ;

c’était passé par là, oui.

mais la porte est déjà ouverte ; pour l’accueillir comme une connue
des lueurs d’argent qui,
béantes ;

irene a les pieds dans leur zone de ((guerre)) révolue, confort
qui vient s’installer quand les émotions
autant faibles que doucereuses
viennent éclore dans son cœur.

❝ tu devrais fermer la porte.

le murmure en brise discrète ;
car le silence ne se brise pas tant elle reste là, maîtresse
((c’est tout de même
dangereux)).

irene tourne le loquet
ça a le son doux des cages enfermées ;
des secrets qui y restent bien au chaud.

elle le sait, qu’eden sort de son ataraxie ;
elle-même n’a de braises saines pour lui,
mais que pour lui.

irene ôte ses talons hauts perchés
((reste tout de même haute perchée))
moelleux de leur mots sans paroles
silence sans étioles,
si ancré.

irene a ramené ses habitudes avec elle
balance un paquet de cigarettes à-même les coussins ;

elle avait fait l’effort de ne pas amener de canettes
pour commencer ;
((elles traînent au fond de ce cabas
rempli de leur vide assez sinon trop pour eux deux)).

d’un tour de main habile
sur le trousseau de clé ;
(éclabousse l’atmosphère)
décapsule la bouteille

et comme toujours
((était-ce encore là une habitude construite sur les ruines
de leurs coquilles écrasées))

glisse la boisson des éthérés dans les mains de son ami ;
car finalement puisque
eden est là

tout va bien se passer.

et les opales si ((pâles))
de leur noirceur un peu vide
un peu triste ;

((irene avale une gorgée fraîche de bière
c’était la douche glacée dans ses entrailles si béantes

ça colle bien à la lune d’argent et ses voiles de glace)) ;

et donc
ses opales onyx qui tranchent qui brûlent du trop
du trop plein qui emplit les rétines
qui viennent la chercher dans leurs tourments elle
((s’y lançait à co(eu)rps perdu avec tant de tendresse que sa poitrine s’en déchirerait))

pour leur bien ((après leur mal qu’elle avait tant délecté dans
les faiblesses de chacune et chacun))

c’était
la pause infernale entrecoupée de points d’interrogation.

irene n’a de réponse immédiate
quelques secondes
précieux silence

c’était si lourd si assourdissant
qu’elle le coupe d’une simple affirmation
((alors

bien qu’elle savait
irene sait tout
tout de lui
eden aussi
il sait tout
tout d’irene.))

chaque recoin chaque secret chaque
pli de leur peau n’a d’ombre pour personne

jeu de reflet
jeu de secret
jeu de toi de moi de tu de je de

❝ je t’écoute,
eden.

car elle aime son prénom dans sa voix
elle aime son prénom sur ses lèvres
elle aime son prénom

qui roule le long de la glotte ;

c’était comme emplir un peu sa coquille vide de ses propres
dess(e)ins

((qu’elle en avait pourtant vilainement
bariolé son âme))

mais c’est passé, c’est passé tout ça

et c’est bien pour ça qu’elle est là.

irene s’installe un peu de travers un peu diagonale
c’était lui faire face lui offrir le grand vide le vertige de son âme et
c’était si imparfait ;
((le même sans être la même)).

clic clac
le briquet danse la flamme
une braise qui colore artificiellement
((pour quelques secondes une fraction de temps))

clic clac
irene allume une cigarette ;

et la fumée a des tangos qui s’effritent le long de leur échange sibyllin
((emplit les fêlures qu’ils grattent de leurs propres mains)).

prière des âmes perdues dans la nuit qui s’étale
sur leurs visages en mauvaises symphonies ;
des attentes qu’ils n’auraient jamais à trouver
dans les tréfonds de leur cœur ((tout blanc tout vide tout
plein des marées constantes)).

irene l’écoute ;
les oreilles qui offrent leur présence pour mieux
cerner ces mots
des sacrifices sanctifiés
sans raison sans explications

car irene elle-même n’avait la raison de ces incompréhensions.

eden lui demande eden lui dit eden lui affirme
ces désirs qui brûlent la peau qui enflamment le creux des boyaux ;

qui suspendent la lune aux lèvres des damnés.

est-ce que ça partira ?
c’est ainsi qu’il le veut
comme il avait voulu sa propre sentence

des calamités qui avaient balayé leur paisible absence,
était-ce là les tempêtes qu’il recherchait avec ce garçon
qui faisait des remous dans son cœur.

❝ tu sembles pourtant déjà avoir la réponse.

irene ne sait pas comment le dire ;
ni comment l’expliquer,
dans son propre désert glacé.

il y a des volutes qui s’élèvent encore
pour aigrir les gorges des reflets qui se font face
car eden avant irene elle,
reste de ce côté du miroir,

mais elle ne lui en veut pas elle ne le veut pas
elle n’a qu’un pincement dans les rétines qui viennent scruter les onyx
d’eden

c’était la mort des cigarettes,
les cendres qui viennent s’écraser avec lourdeur
dans le cendrier posé un peu à côté ;

❝ peut-être que tu devrais essayer ;
de l’avoir au moins une fois.

irene ne sait toujours pas ;
il faudrait essayer,
ne le pourra pas pour
lui,

car malgré tout c’était eux ensemble mais plus jamais vraiment entre eux deux.

les yeux détournés vers sa propre contemplation ;
elle a des souffles gris qui s’évaporent entre les lèvres

peut-être bien qu’elle aimerait lui offrir sa couronne, le rendre maître de soi,
le rendre
eden ;
mais irene attendra ce prince charmant
qu’eden veut sans retour ; il viendra.

et eden lui chante
les incertitudes ;
comme des fumées en vaporeuses idées
qui s’enfuient par les chemins de cheminée ;
ne sait que lui répondre
sinon lui (re)donner son regard
ses pupilles gris froid plantées sur son visage

qui s’anime de tant de tourbillons bien
lourds ;


ah !
n’avait-on pas voulu
pourtant
dans les tournants de tant d’années
les effacer les endiguer les
etouffer ?

peut-être bien qu’eden,
lui,
était voué à l’éternité
voué au péché des espoirs damnés.

en météore qui file,
le perdre dans les bontés des émotions.

irene tire encore une taffe,
ça s’envole
ça s’évapore

loin.

n’était-ce pourtant pas là la réponse,
loin

❝ tu mens mal, eden.
à toi-même.

car ce n’est pas de ça dont ils parlent ;
ce sont simplement des calamités passées
des vents des marées qui ont soufflé

et si c’était bien lui finalement ;
tapi dans les tréfonds de son âme ?

si elle n’avait rien d’autre qu’une banquise dans ses entrailles.

car finalement
on sera toujours l’autre en symétrie
en face-à-face ;
jamais oblique toujours en axe bien droit.

❝ oui,
peut-être que finalement c’est bien toi ;
toi avec lui toi rien que toi ?

toi rien que toi
et pas toi avec le rien
toi rien que toi

et finalement nous avancerons en chemins de croix

sans jamais lâcher prise.

irene se lève du canapé pour en décapsuler une autre,
cette fois une canette qui fraîche,
de sa froideur si saine
vient apaiser les remous du cœur

et laisser eden un instant
avec les artifices de ses fleurs.