le corps        fatigué         la tête lourde et des frissons qui te clouent sur place, arpentant avec difficulté ton appartement — toute la journée, tu as cherché le confort des couettes pour au final suffoquer dessous, tenter de t’abreuver pour ne sentir que le craquèlement de tes lèvres asséchées — tu es malade
    bourré, aussi, car quel meilleur remède qu’un verre de vodka quand on ne possède aucun médicament chez soi ?

et tu te ne te souviens pas avoir envoyé de sms, encore moins à                     Theodora.
tu ouvres la porte et t’affaisses contre, sourire nigaud et visage rouge de fièvre. tu t’attendais à
                Zéphyr
à vrai dire. généralement, lorsque ton âme est chamboulée, il est le premier que tu contactes mais peut-être est-ce votre précédente discussion avec la belle qui t’a hanté dans un rare moment de fébrilité,
et l’assurance qu’elle finirait par céder. Honnêtement ? Je suis même pas encore certain que c’bien toi ou juste mon esprit qui me troll. et, comme pour illustrer ton propos, tu glisses une main brûlante sur sa joue hâlée ; Je pensais pas que tu viendrais, Theo.

les oreilles qui bourdonnent (est-ce le monde qui s’effondre ou juste toi                Théodora
qui éclate, là, au milieu des murs,
rien qu’avec moi)
et tu tâtonnes pour trouver un support, une surface — la vision trouble mais on l’entend clairement, elle, toujours, cette voix qui ne part pas jusque dans tes nuits,
avec Zéphyr même, parfois ; (le plus drôle, c’est que peut-être bien que je t’ai aimé, tu vois)

Moins fort, oh. faisant fi de sa colère — légitime — parce qu’au final, c’est elle qui s’est déplacé et
à l’entendre, elle aimerait se désister de cette responsabilité. Mon problème ? Bah, j’suis malade, comme tu peux voir. sourire narquois à travers les brumes de la maladie et le tournis, oh,
tu ne cèdes pas, pas encore, les mots qu’elle veut entendre, les aveux que tu lui dois — (ça attendra, Theodora.

tu m’attendras.)
P'tet que ouais, j'voulais juste quelqu'un pour m'achever et tu étais toute trouvée, mon ange.

sûrement qu’à force de passer ta vie à entourlouper les gens avec des mensonges mielleux, tu reconnais le ton porteur de mauvaise nouvelle — sûrement aussi que dans un état plus sobre et moins fiévreux, tu te serais dit qu’appeler ton ex pour avoir de l’aide était une piètre idée — sûrement

qu’en temps normal, Théa, tous ses faux pas ne te ressemblent pas.
et que Theodora n’y voit pas un aveu de faiblesse, c’est normal, après ce que tu lui as fait — un menu détail, rappelle-toi — et qu’elle te jette au visage toute la rancoeur qui brûle
jusqu’au coeur ; tu es étonné, vraiment, entre la douleur, l’engourdissement provoqué par ta température déjà trop élevée, et le culot de ton ancienne bien-aimée.

énervé, aussi, lorsque tu lui saisis les poignets et la renverses sur le canapé. Toujours aussi hargneuse, Theo, putain. tu la surplombes sans difficulté, orbes bleus qui se perdent dans l’océan des siennes mais ce ne sont pas les belles vagues de l’amour qui s’animent derrière la rétine, ce sont des raz-de-marée — comment
                                          a-t-elle
                                                   osé ?
T’es venue rien que pour ça, t’es contente maintenant ?
et
tu peux blâmer la douleur
tu peux blâmer la maladie
tu peux blâmer la liqueur
tu peux tout blâmer : tu as le regard
                               meurtri —
J’espère que ton petit ami sera ravi d’apprendre que t’as ruiné votre Saint Valentin pour venir asperger ton ex d’eau bouillante. T’es un désastre, Théodora.

(et je t’aimais ainsi)

dos courbé pour encaisser le choc et tu ravales, avec grande peine, le cri de douleur que le coup de pied t’arrache.

car lorsque les mots ne suffisent plus, la violence prend le pas — et tu en rirais, si tu n’étais pas dans un tél état, au bord de l’inconscience et celle-ci te semble bien plus accueillante que les phrases acérées de ton ex
(quel
cauchemar
tu fais, Theodora,
dans tes excès et ta mauvaise foi)

reprendre ton souffle, tes coudes de part et d’autre de la tête — l’air triomphant — de Theo, tu lui agrippes le col à ton tour, tant bien que mal, front brûlant contre le sien. Je ne sais pas, et je commence à me dire que ça vaudrait le coup d’aller lui en toucher deux mots.

mais ruiner leur idylle ne t’intéresse pas
qu’elle continue de se fourvoyer dans son couple charmant sous tous angles,
qu’elle se ravisse des regards et de l’envie qu’on leur donne, pourvu que chaque instant parfait soit rattaché aux souvenirs des vôtres imparfaits
que tu demeures impérissable dans ses souvenirs, en mauvais exemple s’il le faut — elle ne devra jamais t’oublier. et tu poses une main sur sa cuisse, sans aucune tendresse, que la marque de tes doigts y reste, à un souffle de ses lèvres. Perdu quoi, Theodora ? Toi ? Ce n’est pas grave, des plastiques de rêve, on en trouve partout. C’est vrai que ta hargne va me manquer, toutefois. Mais bon, je suis serein. Personne n’est capable de t’aimer aussi bien que moi, t’es tellement cassée, ma pauvre. L’apparence d’un ange alors que t’es pleine de colère et de pourriture à l’intérieur. J’ai hâte de voir comment tu vas ruiner Zadig, à dire vrai. Fais la belle, Theodora. T’es bonne qu’à ça, si ce n'est pas avec moi.

et tu la relâches, t’éloignes en tanguant légèrement pour lui ouvrir la porte, grand.

ah
rien
  de plus que le monde qui s’effondre autour de toi et moi lorsque tu hésites, Theodora, « ne me pas dis pas que… »
Quoi ? q u o i Theodora finis cette phrase, assume cette peine,
tous les coups jusque là valaient bien le désespoir qui se glisse sur ton beau minois – et si Zadig m’écoutait, moi,

alors
  tu n’aurais plus rien. reine d’un royaume vide où tous les rois se défilent car qui pourrait t’aimer, vraiment, si ce n’est dans la superficialité
si ce n’est quelqu’un d’aussi creux que toi (si ce n’est m o i)
Oh, Zadig ne t’a pas dit ? On se connait bien.
et lorsque tu pleures (douce mélodie car je n’en pouvais plus de tes cris, mais est-ce de la jalousie ? est-ce lui qui te fait sangloter ainsi ?
   ce privilège dont tu m’as démuni car trop fière, Theodora, tu as toujours refusé de pleurer qu’importe les malheurs et blessures que je t’infligeais)

Et par bien, j’entends que tu me fais doucement rire avec votre histoire d’amour. Mais eh, le plus important, c’est que tu sois heureuse ! sans plus de détails, oh, non
  car ce que je n’admets pas, c’est que Zadig ne m’a jamais parlé de toi et il a       un fond         bien plus bon que je n’aurais jamais alors va
 va aimer ailleurs, dans d’autres bras, te persuader que tu ne mérites pas moins que ça – cataclysme aux allures divines

je me répète, quoique tu ne le sais pas
mais, Theodora,

je t’aime comme ça.
Allez, file, passe-lui donc mon bonjour.