- 1995; naissance dans les rues d’Antananarivo. Elle est la septième, sans père ni toit, à survivre dans la misère mais avec l’amour fraternel. Il faut aider comme on peut, travailler et voler dès qu’on a l’âge de marcher

- Encore trop jeune pour le comprendre, on l’enlève de la rue, dans un sac et dans un camion, à travers l’Île, à travers l’océan; elle et tant d’autres enfants, ceux qu’on oubliera, ceux qui n’en valent pas la peine. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive à part qu’elle ne verra plus sa famille.

- Ellipse; elle doit se battre pour survivre, déchirer des peaux pour garder la sienne. Soanja ne veut pas blesser mais Soanja ne veut pas mourir, alors elle ferme les yeux et fait ce qu’on lui demande de faire. Peut-être que demain elle verra enfin le soleil, la lumière. Elle se déteste.

- Ses cris lui déchirent la gorge et la douleur lui broie les côtes -bientôt elle s’en ira, là où tout n’est que douceur et silence. Eveil. Elle grandit, grandit, grandit, domine la pièce à genoux, les yeux pleins de larmes baissés sur son adversaire. Si petit et si fragile. Ses coups ne lui font plus mal, et Soanja gagne le combat.

- Elle atteint la puberté alors on la change de branche. Adieu les combats et les coups; elle est si rassurée - J’aurais plus jamais mal alors?- mais l’espoir n’est qu’arraché à nouveau à son premier jour. Si ce ne sont des coups qu’elle devra donner, ça sera son corps.

-On s’accroche aux autres enfants pour ne pas sombrer; maintenant qu’il ne faut plus les frapper, on les soigne avec l’amour qu’on peut donner, les faibles souvenirs auxquels on s’accroche encore.

- La lumière arrive avec son uniforme et son arme, et on emmène les enfants dehors. Le soleil brille et ses larmes coulent, mais elle sourit enfin.

- Seule et mineure, on l’emmène en foyer d’accueil. Des cours, des suivis médicaux, psychiatrique, des aides et de la douceur. Elle se plaît à se faire dorloter mais les souvenirs la font hurler la nuit; et Soanja terrifiée et trop seule se réfugie dans l'oubli de l’alcool et la drogue, le corps dansant dans les bars pour payer un futur loyer.

- elle ne sait pas être seule alors elle se complait dans des relations toxiques, tant qu’on s’occupe d’elle et qu’on la voit et qu’on l’aime. Des baisers ou des gifles, elle ne veut que sentir. Elle est misérable mais après tout, elle le mérite.

- Dix neuf ans et les nausées se multiplient, le ventre s'arrondit. Elle a peur, trop jeune, et ne sait pas si elle veut le garder -mauvaise humaine alors mauvaise mère- mais arrête toute substances en attendant. Le père s’enfuit -son corps s’en portera mieux, elle ne le veut de toute façon plus dans sa vie. Elle attend trop et donne naissance. A défaut de savoir vivre pour elle-même, elle vivra pour Anjara.

- Quitte la drogue et l’alcool, reprend ses séances de psy, passe derrière le comptoir, élève sa fille avec tout l’amour qu’elle a au monde. A défaut d’avoir eu une enfance paisible, elle en offrira une.