klaus parle en #006600

Tes pas résonnaient dans chaque flaque. Chaque vaguelette créait ce reflet déformé que tu te faisais de cette voix. Celle qui, sans cesse, rappelait chaque erreur, chaque faux pas, chaque moment de vulnérabilité venant de toi. Celle qui ne te montrait que les mauvais côtés en chacun. Celle qui te rappelait que malgré tes efforts, tu ne vaudrais pas mieux que tes collègues vendus aux divers gangs. Chaque claquement de semelle te rapprochait un peu plus de cette personne. Cette bête qui prenait petit à petit son tour. Celle qui attendait que la pluie laisse place à l'orage pour prendre le dessus. Qui attendait peu à peu que vos deux consciences se mélangent, comme la pluie se mélangeant au soulagement jaunâtre des civils alcoolisés se dans le caniveau. Heureusement, l'eau qui trempait tes chevilles était la preuve que le ciel s'était éclaircit, que le gris s'en était allé, et que la bête attendrait un jour de plus.

La journée avait été longue. Ces atrocités n'osaient quitter ta pensée, et même la fumée consumant tes poumons n'y changeait rien. Les bandeaux étirés, les traits de craie recouvrant le sang séché. Cigarette après cigarette, ton coeur continuait de battre avec la puissance d'une balle. Les années d'expérience n'y changeaient rien. Le choc resterait après tout. Ta main mène le tabac à tes lèvres, venant corrompre l'oxygène faisant son chemin.

Un grésillement vient troubler ton ouïe. Pas de pensée intrusive, de cette voix te chuchotant péché après péché, cette fois-ci. Il était retourné dans sa tanière, au fond de ton subconscient. Son visage, sa voix n'étaient plus dans l'instant. Il n'y avait simplement que la radio, retranscrivant ces voix grésillantes fatiguées de transmettre un nouveau crime, et de devoir observer l'impuissance d'une police corrompue jusqu'à la moelle.

"Braquage à main armée en cours au 492 Daily Street. Que tous les officiers disponibles s'y dirigent."

Dernière inspiration avant que la cendre termine écrasée sous ton talon, et qu'un demi-tour ne s'amorce. Retour vers la voiture de service, la porte grinçante et les sièges en cuir déchirés t'accueillent comme d'habitude. Seule l'odeur de cigarette froide n'était point encore présente, mais ce ne saurait tarder. Alors que le moteur démarre, tu ne peux déjà pas t'empêcher de penser à celle que tu pourras fumer après l'intervention. La route défile, il ne te faut que quelques minutes pour arriver sur les lieux. Tu n'es pas le premier, deux collègues sont déjà présents. Insigne de sortie, tu vas pour demander des informations au premier.

" Q-q-qu'est-ce qu'il s-s'est pa-...passé ?"

Un ricanement sort de la bouche du second, mais un coup de coude de celui qui l'accompagnait semble le calmer. À peine arrivé qu'on se moque déjà. De quoi donner envie à ta partie sombre d'essayer de sortir.

" Apparemment un groupe de crows serait apparu et aurait braqué le magasin. Evidemment ils étaient masqués, donc on pourrait pas les reconnaître. Tout ce qu'on sait, c'est que deux d'entre eux semblaient avoir la peau blanche, le troisième était asiatique et le dernier a la peau noire. L'un d'eux est blessé, il doit pisser le sang. Vu comment l'appel est récent, ça m'étonnerait pas qu'ils soient encore dans le coin, si ils ont pas encore rejoint leur voiture. "

" Ok. Je....je vais j-je...jeter un oeil d-d-dans les envi-envi-..rons. Ils s-sont partis p-p-par où ? "

L'officier te pointe une ruelle non loin de ta position. Main sur l'arme de service, tu t'y diriges doucement. Marche normale, l'objectif n'est pas de se faire repérer par les gangs du coin. Celle-ci semble vide, silencieuse. Mais quelques bruits dans un chemin perpendiculaire attire ton attention. Tu t'y enfonces, pour voir une silhouette gesticuler. Tu récupères la lampe torche de ton téléphone pour éclairer la personne de ta main libre, gardant l'autre sur ton revolver. Bien qu'en réalité tu en doutais un peu, il y avait une chance que ce soit le crow blessé auquel tu avais à faire. Bien sûr, cela aurait pu être n'importe qui d'autre, mais mieux vaut ne rien risquer.

" P-police... Ne boug-..bougez pas. "