Un, deux, trois, puis deux non, non, je te jure. Puis trois et puis quatre, cinq peut-être? Attends on a perdu le fil, là.
Il en est à son combientième verre, Milan?
On a cessé de le regarder, on a cessé de l'écouter rire trop fort. On grimace, maintenant que ses mains glissent sur les épaules après une blague vaseuse, on se dégage, on le pousse plus loin en lançant un "t'es con" (et il a un peu mal mais hausse les épaules, abandonne). OK, ils sont pas funs aussi c'est pas sa faute à lui.
Suffit d'aller chercher un autre verre et tout rentrera dans l'ordre.

Sauf qu'on le lui refuse, on rit, lui tape le dos. Ah, mon vieux, tu crois pas que t'as assez bu? Non, si je vois encore ta sale tronche sans qu'elle soit floue. On s'offusque, on l'abandonne là, pathétique, sur le carrelage de la cuisine sans un mot. Bordel, il est trop soûlé. La tête roule en arrière, se cogne contre le mur et il ferme les yeux, il est vingt-deux heures trente-et-un. Quand il les rouvre, deux minutes plus tard, il est vingt-trois heure quarante-quatre.
Il grogne, parce que le temps l'a roulé dans la farine, il se redresse (se sent un peu mieux, maintenant).
Et c'est quand il regarde dans le salon, certainement, qu'il la voit, là. La plus belle créature sur laquelle son regard s'était jamais posé (dans la brume qui gisait en reste, en fond, dans le cerveau pas très net).
Il s'approche (ne trébuche pas!) et ça fait fuir la personne avec qui la beauté discutait mais tant pis, non, tant mieux. Comme ça, il ne l'a rien que pour lui. Et son plus beau sourire se scotche à son visage, quand il prend une voix un peu suave, un peu lourde (séducteur bourré).

« Tu serais pas un bon verre de vodka? Parce que j'en perds la tête. »