dans les vallées les contrées des royaumes enchantés
on ne croisait pas de monstres féroces avides de sang et de cruautés - qu'ils soient affublés d'horribles masques épouvantables ou de costards sur-mesure jamais portés plus de trois fois
jamais on ne trouvait dans les campagnes les villages si prompts à servir les majestés de bêtes acariâtres et viles voraces de chair fraîche et nouvelle ; elles se terraient toutes dans les cavernes glauques et les trous béants de rien, à ronger leur désespoir et nourrir leur haine du monde pour mieux justifier les atrocités commises dans l'heure - Stelian peinait à se faire à l'idée, mais le fidèle destrier toujours à l'écurie et l'attelage princier ne lui seyait pas vraiment.

Alors l'antre a des allures modernes et fastueuses, toute de verre et de dorure habillée, elle s'élève dans les hauteurs d'une ville pourrie et meurtrie, et le Phoenix ne règne pas en chevalier - le constat ne lui provoque jamais d'exanthème pourtant les rougeurs paraissent, tâchent sa peau abîmée et le lore d'un conte tout autre l'avait excité, un instant

Va au diable
déjà y est-il, entre Dante et Cerbère, au fond du purgatoire qui n'avait jamais eu d'autres couleurs - ou lorsque Emma-Serah avait débarqué dans son univers sans consentement aucun - mais bien décidé à confondre dans sa main les pêcheurs et les croyants, bien vite Stelian était retourné au-delà du Styx et boudeur avait-il accablé ses fidèles de tributs ingrats et damnables.

Ses ongles rongés ses joues creusées, il s'était déporté ces deux putain de semaines entre réunions et promesses d'investissements, entre râles hypocrites et sourires comédiens ; le bureau inondé de dossiers achevés et ses équipes demeuraient bien maigres en fécondité laborieuse quand le grand patron - grand méchant loup n'avait rien trouvé de plus laid que noyer le sentiment d'abandon putride dans les ordres et les anathèmes.

mais il ne s'attend pas alors à voir la porte s'ouvrir d'un bruit sourd pour laisser apparaître la jolie princesse - vilaine sorcière
hideuse
monstrueuse
perfide
il avait juré de ne plus nourrir ces jugements fatals au beau milieu des pensées voluptueuses volubiles alors les lèvres à demi-closes se pincent, son pouce appuie sur le cercle rouge du téléphone et sans regarder autre part il fait un pas - deux
se ravise se fige

— bonjour.

automatique robotique le conte n'est plus le millénaire passé et emprisonné dans le carcan
qu'il rajuste
Stelian pose son téléphone sur la surface de son bureau et n'arme pas ses bras d'une autre distinction - qui aurait eu pour seul but de le faire fuir
l'échapper à une confrontation qu'il n'osait plus imaginé.

— que fais-tu là ?

encore
et tout échaudé qu'il demeurait ses muscles se tendent sa mâchoire alors douloureuse et il ne s'attend à rien - il n'osait déjà pas espérer la revoir, entre ses murs, avec lui - et sans flingue au fond du sac.

alors sa mâchoire qui se décrispe et Stelian souffle un rire
une drôlerie sans grande hilarité lorsqu'elle complimente un discours aseptisé et de temps à autres regretté, ses lèvres mordues teintées d'un rouge sang - l'une l'autre si souvent entrechoquées lorsque la nervosité gagnait trop de terrain

— je pense qu'il n'y en a aucune, quand on y réfléchit.

les dirigeants les gangs les saints les damnés les pourris les miséricordieux - les bons et les malins.
rien ne sait les distinguer dans cette ville putride et meurtrie, à chaque coin de rue chaque sourire les deux se mélangeaient trop bien, lui entend l'écho des félicitations et des reproches d'un même bourdonnement et ne serait plus en mesure de discerner l'un de l'autre ; et elle, bras armée d'une justice morte née à Ellipse, qui lui déclame les rêves de bienfaisance il l'observe timidement, pas plus de quatre secondes
il compte mentalement
et prenant appui sur ses mains d'abord il s'avachie dans le fauteuil en cuir, laisse un bruit lourd sonner son abnégation et prend appui dans le creux de sa propre main tailladée.

— je suis étonné que tu n'aies pas refusé la demande.

sa voix n'abhorre aucun vice lorsqu'il répond, et Stelian après la piteuse humiliation de la dernière fois ne sait pas sincèrement sur quel terrain progresser avec elle : il avait refermé le livre mielleux bourré de rêves avortés de son subconscient, tiré un trait grossier et maladroit sur le nom d'Emma-Serah, bien plus coupable que le simple fait de l'avoir fait observé durant des jours.
Même lui, même sa conscience le sait.
Trop loin déjà.

— les civils n'ont pas grand intérêt, à mes yeux. Je marche dans l'intérêt des Dragons, mais, au risque de te surprendre, impliquer les innocents fait partie de ma liste d'interdits à ne pas franchir.

finalement le Grand méchant Loup a si beau rôle
qu'il se lève alors et vient tirer deux verres cristal baccarat du bar boisé et sombre, se tourne brièvement vers elle pour chercher son approbation
un signe de refus serait plus juste
et revient bourbon entre les doigts pour en poser un près d'Emma-Serah - un arrêt brusque avant que la liqueur n'épouse ses lèvres et il penche un instant sa tête en direction de son invitée.

— ne crains rien : ce n'est pas du champagne.

alors il prend appui sur son rempart
à moitié sur la surface lisse du bureau de pdg - l'autre plus vrac, négligée, sans position constante et le verre tintant entre ses doigts, il cherche ses mots un moment.
Stelian n'est pas à l'aise.
Ni avec elle, ni avec lui-même.

— j'ai connu des jours plus heureux.

sa lèvre supérieure revient agresser l'inférieure
avant de relâcher la chair, et que ses yeux ne repartent sur elle - de côté.

— et toi ?

une première gorgée mesurée.

— De quoi as-tu besoin, pour l'association ?