Pour sa première matinée de liberté, Emma avait chargé son emploi du temps des rendez-vous médicaux divers - et le semblant de vie normale, après près de deux semaines à tourner en rond entre les quatre murs de son appartement (sa cage dorée, comme elle s'était mise à l'appeler).
Les prises de sang les examens et les différents relevés convergeaient vers une seule conclusion


Elle aurait éclaté de rire (ah, vous croyez que c'est moi docteur ?)
mais elle ne semblait plus avoir la force pour l'hilarité
ni rien d'autre, d'ailleurs, si ce n'était la colère qui brûlait en elle, dirigée par personne en particulier - vers tout dans cette ville qui depuis son arrivée, ne semblait vouloir la ménager.

Emma-Serah profita de ne pas se trouver dans son quartier pour flâner.
Même si c'était déconseillé, même si le manque du sang qu'on lui avaient prélevées à jeûn menaçait de la faire flancher, car il y avait trop longtemps que la princesse avait cessé de s'écouter pour remarquer.

À l'apparition des premiers vertiges, elle se réfugia dans la première épicerie de quartier qui se présenta à elle et fit un tour d'une lenteur presque suspecte du commerce, à la recherche d'un peu de surcre pour calmer les maux. Et dans la panique, elle bouscula un employé qu'elle dévisagea d'un oeil mauvais-
avant de vriller.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Ça ne t'a pas suffi de te montrer chez moi, il faut que tu me suives jusque dans mes courses, maintenant ? »

Son corps avait agi sans qu'elle n'ait le temps de réfléchir
le visage qui lui faisait face ayant déclenché en elle cet espèce d'instinct primaire qui fit tambouriner fort fort son coeur dans sa poitrine tant la rage pompait l'air qui courait dans ses veines.

— Oh, la pression à peine retombée, elle se mit à trembler. Veuillez m'excuser, je... »

Sacré coeur
jamais opérationnel comme il le fallait

Comme spectatrice de sa propre déchéance, Emma vit le sol se dérober sous ses pieds.
Elle eut juste le temps de saisir le bras de l'homme qu'elle venait injustement d'agresser
(se fit la réflexion que si les yeux n'avaient pas été si sombres elle aurait pu se laisser berner)
Et, avant de s'écrouler, elle s'entendit supplier :

— Non, non- pas sur le sol, s'il-vous-plaît c'est... c'est sale. »

Elle aurait levé les yeux au ciel
Si seulement elle n'avait pas perdu connaissance.

Emma se vit tomber, comme si sa conscience l'avait quittée pour se dissocier et regarder d'un air gêné la déchéance de son propre corps qui s'écroulait, pathétique.

L'ex-journaliste se réveilla sous la lumière blafarde, essaya de se redresser deux fois avant de simplement lever le mains pour bloquer les coups qu'elle se prenait - qui résonnaient dans sa tête comme si les petites secousses étaient de véritables gifles.

— Oui, oui le visage embarrassé mais le regard outré vous pouvez arrêter de me taper. »

Emma enfin se redressa sur ses avants bras, s'enfonca dans les coussins ramollis par l'usure, s'efforcant de ne pas noter ce détail qu'elle aurait dû laisser passer - si seulement son cerveau cassé par les événements récents ne faisait pas des siennes en lui sortant les éléments les plus futiles pour la détourner de l'hideuse réalité dans laquelle elle s'était embourbée.

— Je crois que ca va. C'était juste une baisse de tension. »

Ou une montée en pression - elle ne faisait pas encore la différence, visiblement.
Elle marqua une pause en levant les yeux vers son sauveur, retenant la grimace de dégoût qui menacait de déformer ses traits lorsqu'elle réalisait que son cerveau, même privé d'une partie de sang, ne lui jouait pas encore des tours.

— Est-ce que vous auriez un peu de sucre à me donner ? Dans un verre d'eau - à température ambiante, si possible. Je n'aime pas vraiment l'eau froide. »

Elle se mordit la lèvre devant son impertinence, mais il semblait que les antidouleurs que lui avaient prescrit son médecine et qu'elle avait avalés à jeûn agissaient sur sa capacité à retenir les mots qui d'ordinaire ne passaient pas le stade de la pensée.

— Veuillez m'excuser. N'importe quelle eau fera l'affaire. »