l'errance n'avait pour viviane pas le goût de paix : hors de son alcôve elle voyait la mort à l'ombre des églises, car le sang appelle le sang et elle se sait souillée. elle avait horreur cependant des silences résonnant de colère et de regrets qui hantaient chaque couloir de son domicile et ainsi, elle partait marcher.
elle s'était appelée viviane van der bilt. elle se savait ainsi stigmatisée : comme un saint françois hanté par les ombres elle craignait tous les séraphins. elle avait orné ses lèvres de rouge comme d'une armure contre les audacieux, ses yeux à l'abri de ses lunettes de soleil elle n'avait plus peur du jour.
n'avait-elle pas passé l'âge de craindre les fantômes ?

oh peut-être avait elle raison de se croire en danger. en ces jours d'apocalypse elle se sentait bien peu dragon : plutôt gibier. ses yeux noirs étaient ceux d'un lièvre pris dans les phares, elle avait le doux pelage de ceux qui ne savent que s'enfuir. vivi est de ces filles sages qui, quand vient le soir, ne s'égarent jamais. elle flétrirait venues les vêpres.
depuis la spirale de ses inquiétudes, elle se sent aspirée, mais ce n'est qu'un regard glacé sur sa nuque et une main qui se pose sur son bras. elle en frémit et se dégage peut-être trop brusquement : l'écho de son propre nom si dissonant à ses oreilles la tire de ses rêveries de belle-de-jour. elle découvre face à elle un visage marmoréen, figé sous la lumière ambrée d'une après-midi de printemps, et elle ne le reconnait pas.

je peux vous aider ?

son corps est plus raide qu'elle ne l'aurait voulu mais ses lèvres esquissent un sourire automatique de belle dame polie, élevée dans des conventions qui font d'elle une rose sans épines.