De toute sa vie il n'a pas toujours été un très bon élève et l'excellence, il l'a finalement atteinte à l'université, après l'avoir longtemps embrassée au lycée. L'excellence il l'avait atteint pour lui jusqu'à se hisser parmi les meilleurs, chez lesquels il se trouvait déjà par son statut aisé ; chaotique, fourbe et futé, il rejetait pourtant l'attention que les gangs lui portaient.
Jusqu'à ce que tout bascule, à la découverte de son pouvoir.
Arrivé sur la fin de ses études il a de nouveau piqué leur curiosité, et le concentré de haine et de rage qu'il était s'est laissé tenter, joignant les cobras dont le chaos de l'organisation résonnait avec celui qui le possédait. Il a beau ne pas nourrir de véritables ambitions au sein du gang, il s'est laissé convaincre pour laisser exploser sa négativité et ne pas avoir à se soucier des erreurs qu'il commettait ; et la loyauté peu existante et l'anarchie lui permettent de ne pas se préoccuper de quelconques attachements possibles.

Les jours passent et griffonnent sur un carnet les vestiges d'une vie déchirée ;
les traits s'affaissent un peu plus chaque fois qu'il a hésité.

Famille trop froide pour le garçon trop doux qu'il était, ses parents maintenaient l'écart par des remarques, reprochant l'excellence qu'il ne pouvait pas toucher. Et même ses frères et sœurs, la distance, l'âge l'avait creusée.
Faisant tout pour se faire accepter il était incapable de se concentrer.
Même à l'école, c'était de plaire à ses parents dont il se souciait, se demandant comment faire pour braver le fossé qui les séparait.
En chute libre, il se dissipait.
Et personne ne l'a empêché de tomber.

Sans confiance, il regardait ses camarades grandir sans jamais avoir l'impression de les suivre, de s'améliorer. Le collège l'éloigne de ceux qui sont doués, de ceux qui peuvent se servir de leurs pouvoirs sans avoir besoin de se demander quand est-ce qu'ils s'en verraient dotés. Lui n'a pas cette chance ;
on se moque,
on le rejette,
on profite déjà de son statut de garçon un peu trop isolé.
Et quand les mots ne parviennent plus à s'exprimer les poings, eux, peuvent toujours parler. Lassé des brimades et des rejets, il craque et frappe, envoyant sa douceur valser. C'est sa seule façon de se défendre, parce que plus personne n'est là pour le protéger. Il ennuie et s'ennuie au milieu de ceux qui l'évitent et craignent un peu son calme instable, qui cherchent à tout prix à ne pas le croiser ; aucun cours ne passe sans qu'il l'ai perturbé.
Au fil des années une inquiétude nouvelle naît ;
parce que Dimitri, il réalise que ce n'est pas par les filles qu'il est attiré.

« Je sais pas si je vais y arriver. »

Arriver à grandir, à s'affirmer ;
la peur,
le doute,
tout ça ne l'a jamais quitté.

Au lycée une bagarre déraille, direction l'hôpital et des séquelles sont laissées,
la honte prend ses parents, ils décident qu'il doit changer d'établissement, qu'il doit tout changer. Abandonnée la violence, il recommence à s'effacer ; plus sérieux et froid, il a peur de parler, honte de ce qu'il a été.
Mais un jour une camarade timide s'approche. Elle connaît son passé tumultueux, compte sur sa bonté pour l'aider. Dimitri, il comprend que ce qu'il avait toujours voulu faire c'était d'aider, de conseiller. La violence n'était peut-être pas la bonne solution mais les mots, eux, l'étaient. Parce qu'ils trouvaient toujours la justesse d'encourager.
Les choses commençaient à aller mieux, c'est vrai ;
elles auraient pu continuer,
mais ses parents ont découvert son homosexualité.
Et pour eux ça n'était pas normal, il n'était pas normal.

« -Je comprends pas, qu'est-ce que je leur ai fait ?
-Tu n'as rien fait, tu sais.
-Alors pourquoi est-ce qu'ils continuent de me rabaisser ? C'est de leur faute. Ça l'a toujours été. »

Réfugié chez sa sœur, il laissait l'incertitude l'envahir.
Qu'est-ce qu'il devait faire ?
Il ne savait plus comment se comporter.
Le lendemain il devrait retourner les voir, il devrait les confronter. Il ne voulait pas leur faire face ; pourtant lorsque son regard a croisé le leur, il n'a trouvé rien d'autre que de leur rire au nez. Réalisant qu'ils n'avaient pas le droit de le menacer, qu'il était le seul maître de ses choix, de ce qu'il faisait.
Il allait se libérer.

Et Dimitri passe le temps loin de ses parents, il n'a plus peur de s'affirmer.
Entré à l'université c'est un véritable prodige ; déjà au lycée, il avait fait le choix de continuer de travailler, après avoir arrêté ses efforts pour ne pas trop satisfaire ce que ses parents attendaient. Eux avaient perdu espoir et le rabaissaient, et il savait qu'en continuant, en devenant meilleur pour lui et seulement lui-même, il leur donnerait tort et il réussirait.
Il était fort, persévérant ;
excellent élève,
espiègle et innocent,
il ne voulait faire rien d'autre que de profiter,
il s'acceptait.

Il a rencontré Ezekiel au détour de cette première année.
Il pensait que ça n'irait pas plus loin qu'une simple rencontre, qu'une simple soirée ; désormais ils ont vécu bien trop de choses pour qu'il puisse seulement oublier. C'était une puissante amitié, forte et soudée, Dimitri avait tout faire pour rester à ses côtés. Les années ont rendu la proximité plus précieuse et les liens plus secrets,
quand le passé est revenu à la charge et que sa sœur ne pouvait plus l'héberger, ce temps qu'il passait avec lui le sauvait.
C'était espiègle et intense, plein de liberté insolente pour fuir le quotidien qui les tracassait, une douceur discrète et sincère qui s'installait quand y'avait qu'eux, plus qu'eux contre le monde et que rien d'autre ne comptait.

Si seulement ça avait pu ne jamais s'arrêter.
Six ans et tout s'est brisé.
Au départ c'était juste un rendez-vous manqué, puis deux puis dix et des messages qui ne venaient jamais, un visage qui s'oubliait ; Ezekiel ne donnait plus de nouvelles, il s'effaçait et Dimitri n'arrivait plus à le rattraper,
pourtant il avait tout essayé.
Ça ne fut rien d'autre qu'un douloureux rejet.
Devant son arrogance et son indifférence une tristesse infinie l'a submergé, et dans un dernier acte désespéré il a attrapé sa main, il a tenté de le retenir, de l'arrêter ; peu à peu, tout son désespoir s'est envolé et c'est auprès d'Ezekiel qu'il s'est retrouvé parce que Dimitri, lui, se sentait soulagé.
Événement marquant,
c'est de cette façon que ses pouvoirs sont nés.

Pendant longtemps il ne fut plus qu'un condensé de rage et de haine, rejetant la sympathie des autres, volant les sentiments sans jamais accepter de s'attacher. Ses pas l'ont mené vers les cobras dans un geste désespéré, mais il ne savait plus vraiment ce qu'il voulait ni même ce qu'il attendait. Dans son hypocrisie il a même obtenu son diplôme, poursuivi ses idéaux de métier ; il était psychologue qui aidait sans jamais appliquer ses propres conseils, embrassant la solitude, continuant de s'enfoncer.
Il refusait les mains qu'on lui tendait,
répondait aux sourires par toute l'indifférence qu'il lui restait.

Il prétend qu'il va mieux maintenant, qu'il a tout oublié,
mais on efface pas des années de peine en quelques secondes,
même quand on essaie à tout prix de les rejetter.