À chaque fois qu'elle ouvre la porte elle ne peut s'empêcher de dire que la pièce est bien plus spacieuse et agréable que l'ancienne. Elle étire un sourire puis accroche ses affaires au porte-manteau, fredonne quelques mélodies assez banale en humant l'air aseptisé de la pièce.
C'est une sorte de rituel, pour se mettre en condition -aujourd'hui elle est de bonne humeur alors cela ne devrait pas être trop difficile.
Et puis, c'est toi qui lui rend visite Eden.
Alors elle ne doute pas que tout ira bien.

Tranquillement Rose s'affaire à préparer l'espace, pose et nettoie le matériel, le fauteuil -vérifie que tout est présent que rien ne manque.
Bien rapidement tu t'annonces, et elle se retourne alors
La tête perdue dans les croquis armé d'un grand sourire.

— Eden, salut !

Vient tapoter l'accoudoir du fauteuil tout en reposant ses papiers.

— Assieds-toi par ici.
Ne perdons pas de temps.

C'est que le temps court vite, alors même tranquille Rose tente de ne pas le laisser s'échapper trop loin. Elle te laisse t'installer tranquillement face à elle avant de te questionner.

— Alors, qu'est-ce que tu aimerais aujourd'hui ?

Parle lui Eden.
C'est qu'elle adore t'écouter.

Elle ne dit rien, prend simplement le papier pour lire avec attention les secrets que tu lui confies à demi-mots.

— Des Immortelles ?

C'est un nom qui parle tout autant qu'il inspire.
Elle ne s'y connaît pas énormément en langage des fleurs, tu sais.
Mais il y en a à côté desquelles on ne peut pas passer -des roses par exemple.
Ou bien des Chrysanthèmes.

— Je sais qu'elles ne signifient rien de particulièrement joyeux, de toi ça ne l'étonne pas. Quelque chose comme la tristesse ou le regret je crois ?

Rose pose le papier sur la petite table près du chariot à matériel puis s'empare aussitôt de son téléphone et de son carnet à croquis.
Les références à l'écran et elle se met à esquisser les contours tranquillement.
Quelques instants avant qu'elle ne relève les yeux,
Capte ton regard et t'adresse ce sourire qu'elle n'offre qu'à toi -celui qui te demande de prendre le temps (de ne pas t'oublier)
Fais attention, Eden, c'est qu'on s'égare bien plus facilement à force de penser.

— Où est-ce que tu le veux ?

Reprend les croquis, enchaîne les traits sur le papier pour imprimer le geste et garder en mémoire tes peines et ta douleur.
Parle lui, Eden.

— Je te ferai un bouquet même si tu as d'autres idées. Ces fleurs sont toujours plus belles accompagnées, tu le savais ?

Ne te regarde toujours qu'en brèves oeillades.
Un instant de répit sans doute, pour toi comme pour elle avant de passer aux confessions.
Aide la à te libérer, Eden.
C'est que tu ne mérites pas de mourir noyé.

Le crayon ne s'arrête pas de croquer le papier, même à la mention de ta soeur disparue. Elle s'en souvient, tu sais ? Souvent elle y pense, se remémore les jours d'enfance les jours heureux -et puis les secondes s'écoulent pour que finalement elle se replonge dans le travail.
Pourtant elle n'oublie pas.

— Tu savais qu'elle aimait le Lys ?

Évidemment, quelle question.
Griffonne toujours sur son carnet, des Immortelles et bien d'autres aussi -un bouquet en votre honneur, si tu l'acceptes.

— Elle n'arrêtait pas de dire que si j'étais la Reine des fleurs alors, parce qu'elle l'aimait, elle en était le Roi.

Et elle pouvait bien même être le Roi du monde que ça ne l'aurait pas dérangée, Rose. Un sourire à cette pensée, il s'efface bien vite lorsque le visage de Stelian (l'empereur actuel) lui s'immisce dans son esprit -chasse les idées sombres en te demandant où tu le souhaites.

Sur les côtes, à gauche, c'est ça ?
C'est beau.

Alors elle t'adresse un regard cette fois, un sourire encore.

— Près du coeur, ce n'est pas anodin.

Après tout il n'y avait que Alix pour prendre forme à cet endroit.
Un silence encore tandis qu'elle se remet à dessiner, tourne une page pour recommencer de nouvelles idées.

— Il y a pas mal de place, ça laisse une bonne marge. Je vais te faire un cadeau, Eden.

Œillade rapide vers toi, elle se place bien en face pour que tu n'ais pas accès immédiatement à son œuvre. Une esquisse amusée, nouvelle œillade -changer de sujet, encore. Pour toi cette fois.

— Comment tu vas, en ce moment ?

Est-ce que tu survis depuis des années toi aussi ?

— Celui-ci sera particulier, un sourire qui s'étire encore entre tendresse et amusement.

C'est que Rose aujourd'hui se permet des choses qu'elle n'aurait jamais osé avant, par pudeur sûrement, mais il y a ces choses qu'elle aimerait te transmettre. Ces choses par rapport à elle, par rapport à Alix alors.
Elle dessine, encore.
Le croquis avance bien -elle espère sincèrement que tu l'aimeras.
(que tu ailles bien, aussi)

— Ton père est un idiot.

Le ton ferme, catégorique.
Malgré tout ce respect qu'elle lui doit, ton père est un idiot fini.
Loin d'être le seul, présentement le seul qui l'intéresse.
Trace quelques traits encore sur le papier avant d'arrêter pour poser de nouveau son regard sur toi. Un soupir, à peine -ennuyé.
(inquiet dans la lueur des yeux)

— Tu supportes toujours tant de pression de tout le monde, Eden. Pourtant tu es encore là.

C'est ton pouvoir qui t'aide, pas vrai ?
À oublier les douleurs.

— Tu devrais faire plus attention à toi, et par toi, elle se redresse un peu, courbée lorsqu'elle se penche juste assez pour déposer une main sur ta poitrine (contre ton coeur, Eden) Dans l'autre le long de son corps, le carnet qu'elle tient fermement. J'entends ici.

Enlève sa main après un silence pour venir te tapoter le front deux fois de son index.

— Ici aussi.

Puis ses doigts remontent alors jusqu'au sommet de ton crâne -Rose n'est pas si tactile mais pour te montrer elle fera l'effort. Dépose le plat de sa paume dans ta chevelure avant d'esquisser un demi sourire.

— Même avec un tel pouvoir tu n'es pas un robot. Tu risques la surchauffe.

À tout enfouir et tout effacer.
Se recule finalement l'air de rien pour se laisser tomber dans le fauteuil avant de te tendre le carnet, ouvert à la page de son croquis.

— Tiens.

Te laisse découvrir le Lys entouré d'Immortelles et d'Hortensia -Alix décorée d'espoir agrémentée de regrets et de Roses rose vie, d'Iris courage, de Bruyère en signe de ton amour éternel et dévoué, de tant d'autres tu sais. Des significations douces et moins, vos pensées à deux mélangées. Des contours doux aquarelle, des dégradés noirs et blancs. C'est un cadeau, une envie, un souhait. Qu'un jour pour toi peut-être tout s'arrange. Tu ne mérites pas ce coeur absent.

— Si tu es partant ça prendra un peu plus de place que prévu, et si tu les veux en couleur dis-moi. J'ai harmonisé les placements en tenant compte de ça.

Attends ton retour en silence à présent.
Joyeux anniversaire Eden.
Joyeux anniversaire Alix.
Désolée pour le retard.

Il n'y a pas une esquisse à tes lèvres mais elle devine sans mal à quel point ça a pu te toucher. Sans doute pas autant qu'elle l'espérait mais, tu sais, ce n'est pas si grave ! Si tu n'as plus d'espoirs alors elle en aura pour toi, pour vous deux. Un jour tu retrouveras ton coeur, et un jour, tu finiras par te considérer réellement vivant. C'est pour ça qu'elle sourit, Rose, qu'elle sourit tranquillement.

— Ah, vraiment ?

Tu ne pouvais pas lui faire plus plaisir, tandis qu'elle se redresse pour attraper sur la petite table roulante un calque bleu et de quoi redessiner.

— Bien sûr, c'est toi qui voit.

Qu'importent les couleurs, ce ne sont pas elles qui signifient le plus aujourd'hui. L'esquisse toujours aux lèvres, Rose concentrée prend le temps de transposer les traits sur le calque en sifflotant doucement. Un air qui se joue un peu partout en ce moment, totalement lambda mais assez prenant. S'arrête après le refrain pour relever un œil rapide sur toi.

— Tu connais ?

Oh, sûrement que tu connais.
Elle reprend son traçage.

— Ça me fait penser que je ne connais pas tes goûts musicaux.. Tu en écoutes de la musique au moins ?

Si ça n'est pas le cas, tu devrais.
Ça détend.

Qui n'en écoute pas ?
Oh.

Elle t'adresse une œillade amusée et rapide avant de reprendre son tracé. Tu serais surpris de la réponse, Eden.

— Je suis presque sûre que Stelian n'en écoute pas, lui. un soupir, finalement. Il est toujours si sérieux et occupé qu'il ne doit pas avoir le temps.

Les derniers mots sont marmonnés mais compréhensibles, sûrement, et elle se demande alors ce que pourrait bien écouter Stelian, si seulement c'était le cas. Du classique comme toi sans doute, quelque chose qui ne le crispe pas plus qu'il ne semble déjà l'être à longueur de temps. Ça lui ferait vraiment du bien, elle lui proposera tiens -ça lui donnera une nouvelle occasion de se faire remballer par son patron. Erf. La grimace apparue aussitôt effacée tandis qu'elle te répond tout en continuant de gratter le papier.

— T'écoutes qui ? Beethoven, Mozart ?

Et la liste est plutôt longue alors elle évite de tous les citer.
Sourire en coin qui s'étire doucement à ta question, elle te lance un nouveau regard, amusé.

— Tu veux déjà t'en aller ?

Avec application elle termine le tracé de l'une des Immortelles sur le côté, fredonne encore, durant un court instant, la musique qui passe à la radio. Elle sait que ce n'est pas ce que tu voulais dire, devine même qu'il s'agit du contraire. Tu n'attends plus que l'aiguille, n'est-ce pas ?

— Deux minutes tout au plus. Tu as le temps pour une micro-sieste je pense, lance t-elle dans un souffle légèrement rigolé avant de repasser sur une Hortensia.