Rire solitaire, rire léger. On balaie les soucis d'une main parce que, finalement, c'est habituel. Rien de nouveau, pour Milan. Et c'est bien marrant, comme il le raconte, comme il se penche un peu en avant, comme il semble si détaché de sa propre situation.

« Bah, c'est rien, je trouverai bien un moyen de le garder cet appart'. La locataire a beau me détester, j'suis aussi chiant et tenace qu'un cafard. »

Et ça fait rire la galerie, et il a le sourire qui rayonne. Ses camarades crows lui donnent quelques tapes dans le dos, on s'amuse bien, eh, quand il est là Milan. Parce que même à deux doigts de se retrouver à la rue, il trouve le moyen d'en faire une blague ("je vais devoir relâcher Bobs dans le fleuve, les pauvres!"). Parce que même s'il risque de devoir squatter chez quelques potes quelques temps, il fait comme si de rien n'était (c'est qu'il a dû payer cher les médicaments et l'hôpital). Mais le sourire s'efface quand le regard trouve celui de Will. Tout le monde lui fait signe d'y aller, lui tape bien gentiment le dos, mais Milo, lui, il se demande juste ce qu'il se passe (il a pas fait de connerie ces derniers temps, cette fois il en est certain (quoique)). Alors il fait un petit signe de main aux autres, saute de la table sur laquelle ses grandes jambes s'étaient entassées et disparaît après William.

Le silence le fait réfléchir activement, il a plein de trucs qui collisionnent dans sa petite tête. Peut-être que sans ce regard sérieux, Milan se serait dit "how cute, il veut un tête à tête". Mais c'est pas le cas cette fois. Il croit? Honnêtement, on s'attend à tout, face à cet homme. Et Mila ne sait pas quoi dire ni quoi faire pendant quelques secondes, s'appuie sur la porte pour la refermer et cherche du regard celui de Will. Installe-toi, ouais, c'est bien beau, mais il sait pas encore à quelle sauce il va être mangé.
Quoique le regard amusé semble signifier qu'il n'a pas grand chose à craindre.
Normalement.

« Je te jure que si tu me fais tout ce cinéma juste pour m'annoncer que tu sais plus comment on fait de la couture je vais devenir fou. » Il soupire un peu, passe une main pour plaquer les quelques mèches de cheveux rebelles qui refusent de tenir dans sa queue de cheval avant de s'asseoir sans délicatesse et s'appuyer sur le dossier de sa chaise, bras croisés. « C'est à propos d'un truc important? »

Il était pas sûr d'être l'homme le plus capable dans ce gang à dire vrai (en tout cas s'il ne s'agissait pas de faire des beaux dessins et les imbiber dans de la chair humaine). Mais un ordre restait un ordre, capable ou non. Même si Will n'avait jamais été que bienveillant envers lui.

Milan, quelque part, est soulagé d'apprendre que Will est pas forcément là pour lui faire la morale. Il a les épaules qui s'affaissent un peu, se rendant compte du fait qu'elles étaient tendues, soudainement. Le regard suit chaque mouvement de Will sans qu'il ne réponde à la question. Qu'est-ce qu'il essayait de voir, de savoir, exactement? Milan n'en est pas certain, se demande, retourne la question dans sa tête et souffle du nez. Il n'a toujours pas répondu, quand Will lui demande ce qu'il veut boire. Alors finalement, il se retourne. Pose un coude sur le dossier de la chaise, son menton sur le dos de sa propre main.

« La même chose que toi. »

Parce que, déjà, il connaît pas l'étendue du contenu du mini-bar. Et aussi parce qu'il avait bein besoin de ce verre de whisky, si ça lui faisait un peu oublier qu'il allait abandonner ses poissons rouge quelque part. C'est pas que les frais médicaux de sa sœur aient augmenté soudainement, à dire vrai, c'est qu'il y a des coûts dans la vie qui sont assez imprévus. Et Milan fait tout pour se tenir au courant sans même demander à sa mère comment elle va.

« Hm, ça peut aller. Je m'en sors toujours. »

Il ne s'étend pas vraiment sur le sujet, avant de se rendre compte de quelque chose. En fait, Will a cette tendance à le couver (et d'autres très certainement aussi). A cette tendance à demander si tout va bien comme s'il savait déjà tout. Et quelque part, Milan se doute que c'est le cas, qu'il est au courant de sa vie et de ses soucis financiers (et de sa sœur, de son père décédé et de son enterrement auquel il n'a même pas assisté). Il souffle un peu, redresse finalement la tête en appuyant son visage contre son poing.

« T'as entendu ce que je disais tout à l'heure, c'est ça? Et t'as demandé à me parler pour ça? » D'un côté, ça le fait sourire alors qu'il le regarde d'un air presque attendri. Il secoue la tête, un peu, et reprend. « T'en fais pas pour ça, je vais trouver une solution. »

Il y a un sourire amusé, quand il fait glisser le verre contre ses lèvres, laisse la boisson glisser dans sa gorge avant de souffler du nez, secouant un peu la tête. Ah, décidément, Will avait tout d'une maman poule. Et si Milo commençait à s'y faire, cela n'empêchait pas que de cette attention là, il n'en était pas très friand. Celle que l'on lui offrait lorsque tout allait bien, lorsque l'on ne savait quels démons hantent ses nuits au pauvre enfant, il en raffolait. Celle presque emplie de pitié le faisait frissonner.

« Hm, la discrétion c'est pas mon fort, tu devrais être au courant. »

Il rit un peu, bas. Mais le rire s'estompe bien vite lors de ses prochains mots. Ah, Milan n'avait pas eu recours à ce genre de pratique. Pas encore, espérait ne jamais y sombrer. Pourtant, le ton employé laissait sous-entendre que William n'était pas assez idiot pour ne pas savoir à qui il envoyait des messages les soirs bien sombres. Mais comment? Il en savait rien. Franchement, ce mec avait le don de savoir encore plus de trucs que lui sans qu'il ne comprenne comment. Et même fouiner dans ses relations ne l'aiderait à savoir quels moyens il employait.

Si les lèvres s'entrouvrent un instant pour répondre,
elles se referment aussitôt.
A la mention de sa famille.

Milan serre un peu les poings, lève les yeux au ciel plus pour lui-même que pour William. Ah. Nous y voilà, qu'il a envie de ricaner. Et encore une fois, il n'est pas vraiment choqué qu'il soit au courant de ce qu'il faisait de l'argent qu'il gagnait. Mais ça le frustrait qu'il mette ça sur le tapis aussi aisément. Comme si c'était aussi facile de laisser tomber une famille (qui ne l'a jamais aimé mais qu'il aime tant).

« J'ai qu'à bosser un peu plus. Et je sais pas si tu te rends compte que tu me demandes de laisser crever Olivia. »

Pas "ma sœur". Un prénom, c'est tout ce qu'elle devrait être, pour lui. C'est si compliqué, c'est désastreux. Il soupire, pose le verre devant lui.

« Je sais pas à quel point tu connais ma vie, tu ferais presque flipper mais finalement ça me surprend pas. Sauf que je vais pas arrêter. Merci du conseil, tho. »

Le ton respire l'ironie, parce qu'il n'est certainement pas assez fort pour laisser partir une enfance qu'il avait tant rêvé. Il y a peut-être encore cet espoir ridicule que l'on réussisse à mieux l'accueillir. Que l'on réclame sa présence dans un foyer déjà brisé. Sans père, sans fille. Il n'y aura bientôt plus que maman et un fils trop éloigné
(ah, quelle dérision, il n'en aura jamais profité).

« C'était tout ce que t'avais à me dire? J'ai pas franchement besoin de qui que ce soit pour me faire remarquer que je suis pas dans la meilleure position qui soit, promis, je suis au courant. Même si l'attention me toucherait presque. »