Il y a une plaisanterie qui circule dans l'assemblée, qui dit que si vous lancez "Winslow, assis !", avant toute forme de réflexion critique, Winslow s'asseoira. Cette habitude, élevée au rang de réflexe, est bien sûr du plus haut degré d'indignité dans une ville où on étouffe pour vivre, et déclenche immédiatement une hilarité générale. Depuis le sol, Winslow, assis ! ne nourrit cependant à l'égard de ces bourreaux d'un soir aucun sentiment de honte, ni n'est aveuglé d'aucune haine rouge. Il ne faut pas se méprendre, ça ne lui plaît pas de s'asseoir sur commande. C'est même car il est si surprenant que Winslow, assis ! fonctionne avec une telle efficacité qui provoque à ce point le rire, puisque Winslow est réputé être de ce genre de gosse qui même adulte n'en finit pas de grandir, et à qui on ne parvient à poser ni collier ni muselière ; de ceux qui épris de liberté courent consciemment vers la mort, et à la frontière tranquille de son regard on devine toujours qu'il dit merde aux autres. Pourtant, sur commande, Winslow s'asseoit. C'est donc ce qui est drôle dans l'affaire.

Le fait est que pendant longtemps, on a fait s'asseoir Winslow de force, si bien que l'on a réussi à tordre le coup à toute résistance élémentaire, et que répondre à un tel ordre est devenu une nécessité de survie du même ordre que la respiration ou la nutrition. Assurément, la genuflexion causée par Winslow, assis ! est à ce point essentielle que son corps en a retenu l'exécution, sans plus solliciter le cerveau pour s'exécuter. Néanmoins, Winslow sait qu'il n'a plus à s'asseoir pour qui que ce soit, et est fort serein à ce sujet. Lorsque parfois l'ordre est éructé, il laisse simplement le corps faire et se laisse asseoir par ces gens qui se moquent de lui, tout simplement car il serait trop fatiguant de corriger ce défaut. Que son image soit souillée ! Des images Winslow en a trop et toutes sont fausses dans le miroir, la façon dont il est appelé importe peu. C'est car il ne connaît pas la forme de son propre nom et qu'il n'a aucun amour propre qu'il s'asseoit, qu'il fait le beau, qu'il devient blonde ou un petit enfant, que depuis le sol il apprécie de nourrir leurs egos de sa petitesse et de sa plus apparente inhumanité : car il n'y a que la survie qui compte. C'est qu'avec Winslow, assis ! on pardonne beaucoup de choses à Winslow — on pardonne son inconstance, sa mystérieuse extravagance, la façon dont il dissimule intelligemment ses secrets et exécute sans ciller ses caprices, et la largeur de sa violence. Et puis, surtout, les gens finissent par se lasser du spectacle de Winslow, assis ! et se détournent alors vers d'autres pantomimes et alors Winslow à mille visages qui ne pardonnent jamais aucune injustice, peut les frapper de tout son content.