le caractère ici

bip
bip
bip



swoosh

grognement.


8h
devrait déjà manger avaler en faisant attention à ne
son costume d’avocate
((ptdr avec de l’avocat)) ;

mais anja bâille tous crocs

anja a encore rêvé du cirque et de ce monde de ressorts.

❝ wifeeEEEEEEEEEEEEEEEEEY JSUIS EN RETARD PUTAINDEMERDE POURQUOI TU…

mais wifey est déjà partie au travail ; il n’y a sur la table
que le petit déjeuner qui ne sera jamais entamé

((et
tombera sûrement
shh,
personne n’osera la railler)) ;

peut-être simplement que l’avocate veut la garder encore
((un peu plus)) près de son coeur ;
quand son corps est loin,
à se dévouer à une cause qu’elle-même ne comprend pas.

la brosse à dents électrique vrombit ; le dentifrice goût fraise-menthe vient
enrober les petites dents pointues de mousse rose ;

patpat sur le visage un peu de gel nettoyant et un coup d’eau,
un peu de mascara du fond de teint léger et un rouge à lèvres discret.

anja regarde le miroir

((peut-être qu’au fond,
elle voudrait retourner à ces rêves de gamins)) ;

elle a la peau naturellement lisse.

elle soupire ; elle ne fera de toutes façons jamais plus que vingt-cinq ans.


8h20 ; anja lâche un sanglot mélancolique elle
regarde avec envie l’omelette au ketchup arborant un smiley clownesque posé sur la table à manger ;;;;;


encore un autre petit déjeuner qu’elle ne savourera pas ((et qui sait combien d’autre encore,
il restera)).

la clé tourne dans la serrure ;

anja a les talons qui claque sur le porche elle
.
.



CLAC CLAC CLAC CLAC
boom crash cling ((aïe merde fais chier)) ;

ça la saoule
elle avait pourtant bien coiffé des cheveux si désobéissants et maintenant
ils dansaient, moqueurs, en tignasse impromptue sur son crâne

tant pis,
elle n’avait plus le temps ;

9h
((bruissements et murmures dans la salle))
aujourd’hui est le procès d’appel final ;
chaudes ((et tristes car leur fille a été découpée en morceaux dans le canal)).

la salle est prise de pitié pour la pauvre mère qui a fait deux arrêts cardiaques depuis cet incident ; le troisième lui sera fatal
alors
car la justice est belle et le monde, équitable.

quand ses talons claquent de nouveau sur le parquet ciré,


le jury civil murmure,
tout le monde veut que l’affaire soit déjà classée ((et anja s’en assurera)).


11h
le procès bat son plein,
les arguments volent ;

((ah bah bip bip bip le chrono sonne
et ses cornes réapparaissent,))

son visage, lui,
reste toujours aussi impassible et austère,

elle n’a pas peur de perdre ((car elle ne perdra pas)) ;

au contraire, elle a des gestes assurés contre son confrère qui lui,

12h30
les médias ont des flashs qui aveuglent les survivants de ce procès ardu ;
la grande porte de la salle s’ouvre,

les micros se précipitent aux lèvres des témoins hébétés.


a le sourire aux lèvres
un sourire glorieux et léger.

((en arrière-plan les ambulanciers se dépêchent et se fraient parmi les caméras
par les marées qui enchantent ce monde de lois et de décrets)) ;


journal de 20h

anja sirote son verre de vin blanc bien mérité,
en survêt et jogging molletoné.

❝ eh regarde,
j’ai encore gagné !

sur la tablette dernier cri, les polices noires et grasses titrent
l’appel de la famille de la “victime du marais” a été rejeté ; un coup dur pour la justice.

anja rigole doucement parce qu’elle y a gagné ses honoraires ((pour un homme ses services se facturent 50% plus chers)) ;


ambitieuse ✪ maladroite ✪ dure en affaires ✪ sa femme et son papi c’est tout son univers ✪ connaît par coeur la moindre de ses affaires ✪ et tous les articles de lois du code pénal + la jurisprudence ✪ enfantine ✪ joyful ✪ sans pitié ✪ irritable ✪ irritante ✪ ne croit pas à la justice ✪ croit en la justice ((pour payer ses frais d’honoraires)) ✪ compulsive avec le temps ✪ parce qu’elle n’a jamais le temps ✪ she cares ✪ intense & carefree à la fois ✪ tête en l’air ✪ impatiente ✪ tête brûlée au quotidien ✪ rancunière ✪ a peur de l’abandon

(3 septembre 1995)

le salon sent bon la lasagne ; béchamel à pointe de muscade
petite anja se lèche les lèvres et bave devant le four qui tourne

mais ce n’est pas chez maman, c’est chez pops, pops papi tout son monde car il n’y a que lui.

les infos passent à la télé,

le cristal ne laisse jamais personne partir,

❝ papi, elle est où maman ? il est où papa ?

papi s’interpose entre elle et la télé ;
il lui dit qu’iels reviendront,               un jour.

❝ c’est vrai qu’ils ont enfin vu la mer ? la plage hein ?

parce que c’est ce qu’iels lui avaient promis,          de lui ramener un jour des coquillages.


papi lui dit que oui,


(6 juin 2000)

anja rit à poumons ouverts ; vraie dissection
sous le chapiteau dans le sable picotant du cirque

c’était là des années de gloire sans fioritures ni arrière-goût
amer qui était passé, salé que serait l’avenir

en sucre doux,
debout face à jacoby et paz ((et on y ajoutera les guimauves sur le chocolat chaud
un peu d’amour pour son coeur d’artichaut)).

(9 juillet 2018)

c’est la fête et tout le monde n’est plus très sobre ; anja, elle
restera toujours la dernière debout.

mais ce ne sont ni les drogues ni l’alcool qui auront raison
du sourire qu’elle arbore ce jour ;

mais anja en robe blanche qui embrasse langoureusement sa paz et la seule qui
a réussi à lui passer la bague au doigt,

il était temps, dira-t-on ;
ça fait bien dix ans que vous êtes ensemble.

((party bat son plein et pourtant elles dansent comme pas de lendemain)).

(9 juillet 2019)

anniversaire de mariage qui se transforme en course jusqu’à l’hôpital ;
sur la table sont jonchées les fleurs les plats les couverts à moitié mis sur le tas,

l’alcool qui promettait pourtant de couler à flot.

il y a eu des attentats et ellipse en fut ébranlée ((mais anja, elle,
finirait bien par y trouver un intérêt)).

pourtant, la lumière de la maison est éteinte,
mais celle des gyrophares hurle dans leur esprit



(18 avril 2021)

❝ non pops, t’inquiète, je vais bien, je mange bien, le procès se passe…. bien ;

la tête penchée l’épaule tendue pour tenir le téléphone à portée d’oreille,

la pile de feuilles s’entassent sur son bureau mal rangé et pourtant si ordonné
il y a là des dossiers qui prennent la poussière et d’autres qui attendent
d’être encore classés.

dans ses mains,

un procès dur à gérer
dur à gagner
car toutes les preuves allaient contre elle ((sa cliente)) ;

anja se demandait pourquoi elle avait accepté de la défendre

mais moins pour des questions de moralité que pour les honoraires si peu élevés pour tout le mal qu’elle se donnait.

une rivière de chevelure rousse passe dans les couloirs du cabinet ;

❝ attends deux secondes… EH, YA DES DOSSIERS À RANGER ICI AUSSI PETIOTE !!

((anja lui fait un clin d’oeil en lui pointant lesdits porfolios))

ok, oui pops promis je passe ce weekend de toutes façons l’affaire est bientôt classée… avec une nouvelle victoire pour moi,
je l’espère en tous cas.

le stylo mont-blanc gravé à son nom griffone sur le papier
des lettres élégantes mais rapides
longues et agressives ;
pour un peu

anja hoche la tête en ponctuant les phrases de son interlocuteur par des “mh mh” réguliers.

❝ oui papi, je t’aime aussi. fais pas trop de folie pour les… ((crows allait-elle dire))

bref tu sais,

ménage-toi s’il te plait.

presque comme une supplication ; mais anja ne supplie jamais personne,
elle ne courbe l’échine que face à ses propres hantises.