[tw homophobie] shutting me out of you (benjamin)

shutting me out of you

On pose doucement un pied à l'extérieur, la porte entrouverte au dos. C'était un matin presque comme un autre, Liam qui se faufilait hors de son appartement pour profiter de sa journée de repos ; excepté que l'infirmier ne sortait pas seul de chez lui. Cette fois, il était accompagné d'un charmant individu dont il ne connaissait que le prénom - peut-être avait-il été inventé de toutes pièces, mais peu importe, car on s'était promis de ne jamais se revoir. Le jeune homme s'évanouira dans quelques minutes dans le chaos urbain d'Ellipse, et le seul souvenir qu'il gardera de lui sera celui de leur nuit passionnée.

Ce dernier lui laissa un baiser fugace en guise d'adieu - Liam réprima à grand-peine un sourire et accepta cette dernière marque d'affection ; la tendresse, même hâtive et méconnue, ne se refusait pas.

Un mouvement imperceptible derrière eux lui fit tourner la tête, et il s'écarta du garçon en relevant les yeux. Son cœur fit un bond dans sa poitrine malgré lui - pourquoi était-il ici? Visite surprise ou simple oubli de sa part, Liam resta stupéfait quelques instants, ne sachant que dire ou quoi faire sur le moment.

Celui qu'il ne voulait absolument pas voir ici se trouvait devant lui.
Comment pouvait-il comprendre l'attrait entre deux amants ivres de chair
qui cherchent à combler les creux du cœur dans les bras d'un autre ?

Son bien-aimé d'un soir sembla lui aussi remarquer la présence de Benjamin, comprit qu'il ne s'agissait pas d'un bon moment pour des adieux larmoyants, et s'éclipsa rapidement après lui avoir soufflé quelques mots.

- Euh... Salut, Benny.

La voix tremblante malgré lui, il ne pouvait ignorer la terrible angoisse qui étreignait son cœur à l'idée que son ami ait pu le voir ainsi ; mais il se força à esquisser un sourire, tout en priant pour que le brun ne soit pas arrivé trop tôt.

@Benjamin Holland

(c) sky

Mains dans les poches, il monte les escaliers. Il ne porte qu’un gros pull et de quoi aller courir,
écouteurs accrochés à ses oreilles. Il ne sait pas si tu seras debout,
le ciel est encore frais des aurores roses,
matin de printemps ;
mais tu le connais, Ben aime les matinées aux fraîcheurs étouffantes. Il a cette habitude de frapper à ta porte, venir te cueillir au creux des rêves pour te traîner dans les rues d’Ellipse,
courir jusqu’à en perdre haleine,
faire disparaître toute trace de péchés.
(éteindre toutes ces flammes en lui, qui menace de déborder,
brûler,
saccager jusqu’aux enfers).

Dernière marche, d’abord la surprise de te voir déjà réveillé.
Puis l’horreur ;
de ses yeux, il aperçoit un bien vilain tableau,
de ces couleurs roses qui l’écoeurent, d'une rougeur à en faire taire ses mots, n’en laisser que les violences de ses poings. Ses yeux se font dégoût d’abord,
pourraient se laisser aller à la haine,
et lentement, ils suivent chaque mouvement de celui qui te quitte, te laisse à la misère de ses colères.

— c’était quoi ça liam ? tu le laisses faire et tu le laisses se barrer comme ça ?

Car Ben t’offre le déni,
tend la perche des mensonges pour que tu la saisisses. Il ne voudrait pas être déçu,
pas par toi,
ne voudrait pas devoir te rayer de sa vie comme on raye sa liste de courses accrochées sur le frigo.
Car Ben préfère fermer les yeux que d’affronter la réalité de ta personne
(de sa personne,
doux masques entassés encore et encore, jusqu’à se perdre dans les cris d’une société à l’agonie).

shutting me out of you

C'est le cœur qui se serre face à sa voix qui s'arme d'indignation ; affreuse ironie que de le voir lui tendre la perche, lui accorder le bénéfice du doute, malgré la scène repoussante à laquelle il venait d'assister. Et Liam, d'abord pétrifié par l'angoisse et terrifié à l'idée de se faire accabler par ses dédains, eut enfin le courage de lui répondre.

- Non, c'est pas...

C'est pas ce que tu crois qu'il voudrait crier, pour se complaire une fois de plus dans ce qu'il lui laisse croire de lui
- mais pour la première fois Liam hésite à accepter le mensonge qu'il lui offre de prononcer, malgré la douce sûreté que ce dernier lui promettait s'il trouvait le courage de tromper son ami une nouvelle fois. C'est que le rouquin était lassé de ces prétentions, mais la peur lui nouait encore les entrailles - et il y avait l'indéniable souffrance de se retrouver incompris après lui avoir tout avoué qui l'empêchait de se confier ; si seulement il pouvait faire abstraction de la terreur qu'il éprouvait face à son jugement.

Et l'espace de quelques instants, Liam eut le vague espoir que le brun s'attendrisse, une brève aspiration qu'il l'accepte comme il était ; se persuada alors qu'il était prêt à accepter n'importe quel résultat, et se mit à appréhender sa future colère comme un enfant attendait les remontrances.

- C'est pas la peine.

On oscille entre mensonge éhonté et abrupte vérité - dont il avait pris tant soin de ne pas laisser éclater. Car malgré l'envie de se confesser, Liam craignait ((savait)) que Ben s'enfuirait suite à ses mots ; qu'il ne pourrait supporter la réalité, qu'il avait choisi d'ignorer pendant tout ce temps.

C'était l'échéance qu'il cherchait à retarder ; et il voulait désespérément s'accrocher à ces quelques minutes, quelques secondes à peine, lors de lesquelles Benjamin
serait toujours son ami.

@Benjamin Holland

(c) sky

Ce n’est pas la peine ;
oh ;
il n’en vaut pas la peine. Regarde le, les yeux animés de fureur, le corps tendu, prêt à craquer alors que le corps de l’inconnu lui passe à côté. Mouvement de recul. Regarde le, dégoûté de tout son être pour celui que tu laisses s’échapper sans un mot ;
qu’un simple baiser volé.

— comment ça c’est pas la peine ? tu t’es transformé en poule mouillée ? bientôt tu vas faire cot cot ?

Et l’incompréhension se lit dans ses yeux alors qu’il s’approche de toi, se rapproche, t’attrape par le poignet. Ses doigts se ferment avec force sur ton bras ;
sans doute en auras-tu des marques ;
(si seulement elles n’étaient que là, sur cette peau qui lacère,
se dessineront pourtant sur ton coeur qu’il meurtrit de ses mots, de ses gestes, de ces airs).

Ses gestes sont brusques, et Benjamin ne contrôle pas ses colères ; car il ne supporte pas de te voir avec un homme ;
ne supporte pas de voir que tu t’accordes ce que lui se refuse, ce qu’il renvoit au plus loin. Et lui ne veut pas y céder ;
(quand bien même il ne peut plus se mentir,
ne veut pas se souvenir).
Et il te tire à lui, s’avance, pour que tu ne t’échappes pas ;

tu te comporteras en homme, Liam,
tu frapperas ceux qui ne correspondent pas à sa vision,
ceux qui ne se plieront pas au masculin,
pourquoi n’es-tu pas un modèle comme lui ?

Il a le coeur qui s’échauffe, qui brûle de honte, de colère. Benjamin est une bombe à retardement, qui t’accompagne, te traînera pour confesser ses péchés ;
te traînera pour frapper ;
frappera,
laissera ses mains se faire violentes, violence ; pour détruire toutes ces images qui hantent son esprit. Et Benjamin se déteste,
se répète sans cesse ces mots dans son esprit ;
oh, il se déteste.

— t’es comme lui c’est ça ?

Et sa main lâche ton bras,
ses jointures sont blanches ;
il ne fait même pas attention aux traces laissées sur ta peau diaphane. A tous ses coups assénés contre ton esprit ;
à cette pluie torentielle qui pourrait couvrir la douceur répugnante de tes yeux. Il ne pense qu’à lui ;
qu’à ce sentiment égoïste d’une trahison, d’années de mensonges que tu déroules lentement devant lui.