Il y avait eu une nuit d’hiver froide et brûlante à en rendre les draps humides de désir. Dans la pénombre et l’ivresse, elles s’étaient faites amantes, s’étaient enivrées de leur peau l’une contre l’autre – qu’importe les rivalités ! – jusqu’à en oublier le lever du soleil, annonciateur des adieux.
Lagertha avait observé le corps nu d’Echo disparaître, distante caresse sur les courbes délicates. Et sans en dire un mot, elle avait pensé qu’elle était belle. Le sommeil au bord des yeux, elle n’avait que daigné savourer les dernières effluves de la nuit passée, le corps et l’âme engourdis. La chevelure pâle qui tombait au creux de ses reins, les traces d’un amour éphémère sur l’épiderme, cette peau si pâle dans les rayons du matin ! Lagertha se plaisait ainsi à l’admirer, comme elle admirait chaque femme qui partageait son lit. Ou peut-être avec un peu plus de fascination dans la pupille sans qu’elle ne puisse le réaliser. Le cœur et la raison étaient des choses bien obscures. Ainsi, dans sa contemplation discrète avait-elle fermé les yeux une simple seconde, et quand elle les avait rouverts, Echo n’était plus.


Les jours s’étaient écoulés, les pensées s’étaient tournées vers d’autres sujets. Mais chaque soir, à l’entrée du bar, c’était une pensée à Echo, sa chevelure pâle et l’espoir de croiser son regard vif. Pourquoi donc ? Lagertha n’en savait rien. Elle se contentait de voir son regard fuir sur la porte à chaque bruissement de l’extérieur sans jamais voir la désirée.
Les jours s’étiraient mais toujours le regard se posait sur la porte, cette porte qui semblait toujours plus décevante quand l’attente se faisait ridicule. Qu’attendait-elle ? Lagertha ne languissait pas ses amantes. Pas en temps normal. Alors pourquoi se trouvait-elle derrière le comptoir, le chiffon frottant le bois sans que le regard ne puisse quitter l’entrée ?

Echo. Un écho qui résonnait dans sa poitrine, un toucher qui persistait sur la chair et un souffle qui continuait à souffler dans l’oreille. Lagertha se surprenait à penser à la douceur de sa peau quand elle fumait sa cigarette, voyait ses lèvres se tremper dans les verres de vin qu’elle servait. Mais jamais Lagertha ne voyait Echo et chaque soir, elle se maudissait d’attendre ce qui ne lui avait rien promis. Depuis quand Lagertha s’impatientait ? Elle n’était pas l’amoureuse transie mais qu’une simple amante émerveillée devant les femmes, toujours. Alors pourquoi les pensées se tournaient-elles vers les lèvres délicates de la dragonne parmi toutes celles que la féline avait connu ?

Soupir, Lagertha sentait la fatigue pointer quand l’entrée avait vu le froid fuir pour la douceur sans même montrer l’ombre d’une chevelure enneigée. Une cigarette au bout des lèvres, le feu qui brûlait le tabac et un soupir à nouveau quand elle éteignait la flamme, rejetait les restes de nicotine dans l’air vide de sa présence.

Quel danger étaient les pensées. Mais Lagertha n’espérait plus.

Au fil des ans, Lagertha n’avait jamais été obsédée par l’amour. Elle avait aimé comme toute personne le fait en vieillissant mais jamais Lagertha n’avait pensé à une amante avec l’espoir de la croiser à chaque croisement. Il y avait un aspect pitoyable à ce jeu solitaire, les regards qui balayaient la foule dans l’espérance d’y croiser les yeux ambrés, l’air portant les réminiscences fantômes de son parfum sans que jamais, les mèches blondes ne vinrent l’éblouir.  
Lagertha frottait le comptoir sans attente, maudissait l’espoir qui la poussait à observer l’entrée encore pour y voir cette nymphe qui avait capturé ses pensées. Cette nymphe qui ne se montrait jamais. Comment le pourrait-elle ? Lagertha n’avait pas dévoilé sa possession du bar juste sous l’appartement qui avait accueilli leur passion.

Le chiffon frottait le bar, effaçait chaque trace – comme Lagertha aurait aimé effacer la dragonne ainsi ! Cette vile présence dans sa tête, cette femme qu’elle ne verrait plus que dans l’adversité ! – jusqu’à entendre la porte s’ouvrir, se refermer. Le chiffon s’arrêta mais le regard resta fixé sur le marbre sombre, comme si l’esprit avait su, au parfum, à la présence qu’il s’agissait d’elle. Lagertha n’avait pas besoin de la regarder pour le savoir après tout ce temps à pourtant observer la porte. Si elle leva la tête vers elle, ce fut pour pouvoir savourer sa beauté à nouveau, se laisser baigner dans sa lumière quand les talons vinrent confirmer son identité, claquant sur le carrelage noir et blanc.
La lumière rouge tombait sur sa peau, baignait sa clarté dans une aura intimiste – qui aurait pu mieux porter l’ambiance de ces lieux ? Silencieuse Lagertha, elle savourait sa présence, ses pas graciles, le mouvement de la chevelure qui coulait entre ses reins, ses jambes pâles quand elle s’assit, ces cuisses qu’elle avait caressé du bout des doigts jusqu’à y planter ses lèvres. L’ivresse d’elle n’était jamais assez quand le regard l’étreignait.

L’obsession dans l’alchimie si flagrante, Lagertha ne se lassait pas de l’observer, l’attirance évidente quand les lèvres si maussades se voyaient étirées en un fin sourire. Sa voix s’était élevé dans l’air vide et Lagertha estima que le bar ne pouvait connaître plus douce musique ce soir-là. Le regard sombre dans le sien, le silence quand elle prépara la boisson, les yeux plongés dans les siens. La cigarette coincée entre les lèvres, elle s’avança, déposa la boisson devant elle et reprit la cigarette entre ses doigts pour mieux s’installer confortablement devant elle. L’air décontracté quand elle se nourrissait de nicotine, pourtant, l'œil brillait d’un intérêt éveillé, ne quittait pas l’ambre des pupilles face à elle.


Elle sentait la tension dans l’air, cette électricité qui la retint de tendre la main par delà le voile vaporeux pour cueillir sa joue pâle.  Lagertha avait envie de la toucher, s’enivrer de cette douceur si féroce – quelle énergie contradictoire – ce qu’elle ne fit pas, refusant de briser ce film si fin entre elles, comme si elles marchaient sur un fil au dessus du vide et qu’un seul faux pas les mènerait à leur perte. Alors Lagertha ne fit rien de ses doigts gantés, caressa la table vernie du bout du doigt, distraitement quand la bouche offrait les premiers mots.

– Bonsoir Echo.

Il y avait un flottement dans l’air, dans la fumée, une tension dans les regards, sur le bord des lèvres qui s’accrochaient aux verres quand Lagertha avait suivi Echo dans la boisson. La bouche trempa dans le liquide ambré du verre quand les lèvres sanguines d’Echo ne cessaient de lui rappeler la nuit partagée. Il était si facile de se souvenir d’elle. Il suffisait d’un regard sur la peau, une inspiration pour sentir son parfum envahir la pièce. Elle la captivait quand aux sourires, Lagertha n’avait pourtant répondu que l’ombre d’un rictus. Pudeur d’une attirance évidente, elles n’avaient point besoin des sourires charmeurs pour être charmées. Elle observa les doigts courir sur le comptoir, laissa Echo se faire reine des décisions ce soir-là, une lueur dans les yeux.


Les mots brisèrent le silence et sur le visage de Lagertha un sourire naquit, fin et discret dans les lumières tamisées du bar abandonné. Les coudes contre le marbre sombre, elle s’avança, s’imposa dans le rideau de brume, plus proche de l’objet de toutes les convoitises sans pouvoir franchir la limite qui les séparait – elle ne craquerait pas.

– Tu l’as fait exprès, n’est-ce pas ?

Des mots prononcés avec certitude, le regard plein d’une défiance malicieuse – jouons Echo, jouons puisque je ne te céderai pas ! – la boisson apaisant sa soif sans tarir ses envies. Elle pouvait presque sentir le souffle d’Echo sur ses lèvres, le sien en devint imperceptiblement plus court. Lagertha était séduite, elle l’avait été au premier regard sans céder son coeur. Lagertha ne l’offrait jamais. Elle prenait et donnait sans s’abandonner, savourait les plaisirs des femmes dans le silence d’un coeur qui s’était depuis longtemps clos. Alors Echo pouvait jouer, croire la faire tournoyer au creux de sa paume, elle n’avait Lagertha qu’en surface, dans le désir et cette tension brûlante entre leurs corps, oh cette alchimie ! Lagertha pouvait la sentir, si forte, presque assez pour qu’elle puisse comprendre sa complexité : Echo ne serait point une banale amante. Peut-être le corps l’avait-il déjà compris quand la main s’élevait pour caresser la joue, la barrière était franchi, Lagertha rendue fébrile une simple seconde quand son prénom roulait sur la langue d’Echo.

– Me trouver ne devait pas être difficile. Tu étais si pressée de me revoir ? Comprenait déjà l’attirance réciproque encore, la curiosité flagrante. Je suis toujours trouvable ici.  Qu'elle vienne la trouver tant qu'elle le voudra.

Le gant caressa encore la joue, s’éloignant pour que les yeux puissent mieux dévorer Echo du regard, cette étincelle dans le regard quand elle buvait en silence, les frissons courants le long de la colonne.

Les regards ne pouvaient se quitter, se mêlaient pour ne plus se séparer à défaut de pouvoir laisser les peaux fondre l’une contre l’autre. Car aucune ne voulait céder. Il y avait cet accord silencieux : cette passion était une guerre. Patience, tout n’était que patience quand les nerfs s’impatientaient. Lagertha le savait, elle craquerait. Mais jamais totalement, jamais elle ne céderait. Lagertha donnait, prenait mais jamais ne laisser le cœur s’impliquer. Après tout, ce cœur reposait sous des murs de glace trop épais. Et Echo n’y toucherait pas.


La main s’élevait, caressait la chair aimée – celle qui était si douce dans ses souvenirs – là était la première défaite dans ce jeu de désirs. Mais Lagertha le savait : les femmes capturaient son attention bien trop facilement et quelle femme ! Echo était fabuleuse. Une dragonne hypnotisante. Là était le seul souci qui empêchait Lagertha de s’abandonner à ses envies. Pourtant, elle savait qu’elle céderait, elle le sentait. Elles n’attendaient que ça, penchées sur le comptoir. Que ce fut pour faire de Lagertha une pièce d’exception dans sa collection ou pour laisser fleurir la concupiscence, toutes deux semblaient déjà s’être faites à l’idée : rien ne pouvait faire faiblir cette alchimie mais aucune ne souhaitait perdre. Lagertha savourait le jeu, buvant une nouvelle gorgée – cherchant à fuir sa soif d'elle. Elle parlait et Lagertha haussa un sourcil, sentit les lèvres s’ourler d’un sourire amusé.

– Les bars ferment toujours à deux heures, souffla-t-elle, pas une seconde dupée.

Et l’amusement ne cessa pas lorsqu’elle laissait les mots d’Echo résonner dans la pièce, savourait son regard qui ne quittait pas le sien tout aussi aimanté aux ambres de ses yeux. La main avait quitté la joue depuis un moment, ne donnant à Echo qu’un fragment d’attention, un fragment d’elle quand elle ne pourrait l’avoir entière qu’en venant la prendre du bout de ses doigts. Lagertha la ferait venir, proche, si proche, pour mieux venir planter un couteau entre les omoplates de l’ennemie – si seulement – dans un baiser qui ne pourrait signifier aucune faiblesse. Non, Lagertha ne faiblissait pas. Ou elle pourrait encore céder à ses désirs et aimer ce danger brûlant, cette électricité quand le visage venait s’appuyer contre la paume de la main, l’air faussement désintéressé (qui trompait-elle ?).


– Ah oui ? Je ne savais pas qu’une dragonne pourrait céder si facilement à cet appel.

Que la belle se regarde, réalise le ridicule d’une ennemie qui se jetait dans le repère du loup pour un simple plaisir. Ce qu’elle ne fit pas. Non, Echo avait planté ses lèvres contre les siennes jusqu’à pousser Lagertha à saisir cette nuque délicate, répondre au baiser, avidement. Lagertha voulait dévorer ses lèvres, sa peau sucrée et même ses aigreurs. Durant un court instant, plus rien n’eut d’importance. Il y avait ses lèvres contre les siennes, son souffle chaud dans sa bouche et la brûlure du désir quand Lagertha rendait ce baiser avec bien moins de douceur, jusqu’à appuyer les doigts sur la gorge, éloigner le visage le souffle court, le regard brûlant trop fier pour céder.

– Ma compagnie vaut-elle vraiment la mort ?

On ne doutait pas des compétences, Echo avait le regard d’une tueuse. Mais Lagertha jouait. De prédatrice à prédatrice, il ne pourrait jamais y avoir de vainqueur, seulement ce coeur qui battait si fort.

Les lèvres brûlaient déjà du manque. Echo avait cette douceur dans sa dangerosité et peut-être était-ce ce mélange si bien proportionné de risque et de tendresse qui rendait Lagertha si avide. Mais elle résistait, laissait la raison primer quand les mots rompaient le silence.

– Personne n’est en détresse ici.

Malgré l’attente. Malgré les regards qui cherchaient sans cesse Echo. Derrière les échos de sa présence, Lagertha refusait d’être cette chose faible que l’amante s’aimait à imaginer.

Tension, Lagertha regardait Echo sans courber l’échine, les iris noirs refusaient de se faire douces comme elles l’étaient avec ceux qui avaient son estime. Plongés dans ceux d’Echo, on ne lisait que la rage et le désir. On aurait pu les prendre pour des idiotes, des imbéciles qui se jetaient toutes deux vers la mort certaine quand elles se dansaient autour de cette manière. Et elles l’étaient sûrement. Murmuré tout aussi doucement ce moi non plus, qui criait qu’elle n’était pas un agneau entre ses griffes, non, jamais mais qu’elle ne pouvait que laisser la mort danser au bout de ses doigts rougis de sang. Elles étaient en tout point identiques dans leur monstruosité. Des âmes-sœurs faites pour s’unir.
Les talons claquaient sur le sol, Lagertha ne bougea pas, observa la silhouette se mouvoir. Elle mourait d’envie de retrouver ses lèvres.

Mais il y avait toujours ce mais. Lagertha refusait de lui céder, tout comme Echo pensait diriger. L’ego primait, la fierté brillait dans les pupilles quand Echo venait l’emprisonner entre ses mains. Les doigts griffaient la peau, Lagertha avait le feu qui dansait dans ses yeux, la tête qui se dressait quand elle s’approchait et n’offrait que son souffle et point sa peau à Echo. Elle eut ce soufflement, ce ricanement dans la gorge quand le rictus s’étalait sur la bouche, étirait la fine cicatrice preuve de trop d’années passées.

– Frôler le sol ? Il me semble que personne ne fait ça. Tu es peut-être d’esprit trop obtus pour comprendre. Tu n’es pas maîtresse de toutes situations, Echo.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour saisir le bras d’Echo, quelques secondes pour inverser les rôles et plaquer la dragonne contre le mur un peu trop violemment. Les doigts d'une main appuyaient sur son poignet quand les autres avaient saisi le menton pour mieux planter son regard si proche dans le sien.



Tu ne me dirigeras pas, Echo.

Oh Echo, belle et terrible Echo. Elle croyait que le monde se plierait à sa vision, que Lagertha ne serait qu’une sujette, marionnette de sa vision idéaliste d’une femme qu’elle ne connaissait pas – tu ne connais pas ses tréfonds, Echo, non ? – pour le simple plaisir d’avoir les pouvoirs d’une monarque.

Mais Echo, Lagertha ne voulait être ni reine ni soumise.  
Lagertha vivait par ses propres règles et même la chaleur de sa peau contre la sienne ne changerait rien à sa manière de vivre. Le monde ne tournerait pas autour d’Echo, aussi belle fut-elle quand elle se tenait ainsi entre ses bras. Les mots laissaient la gorge sèche, les lèvres avides des siennes pour la faire taire quand, pourtant, elles ne firent que laisser s’échapper la voix rocailleuse.

– Ça dépend, dit dans un murmure contre ses lèvres, le regard vif quand les mains étaient prêtes à aimer ou frapper, l’un n’était jamais loin de l’autre entre elles, elle l’apprendrait.

Attirée, séduite et pourtant aiguisée, les crocs sortis quand Echo était prête à se servir de ses griffes. Et – oh agile Echo venait provoquer leur chute – Lagertha n’était pas prête de la laisser gagner, jamais.  La main était restée soudée à sa peau, le sourire se fit aiguisé – amusée, agacée – quand les yeux foudroyaient Echo, sombres et envieux de guerre et de plaisir. Lequel primerait sur l’autre ? Un sourcil se haussa, Lagertha allait répliquer, ouvrit la bouche sans encore la renverser pour ne sentir qu’une douleur dans le crâne qui la fit froncer les sourcils à en plisser le visage.

– Qu’est ce que ? Agacement plus flagrant, Lagertha sentait les crocs se faire plus pressés de se planter dans la peau. Je tiens toujours mon alcool espèce de..

Quelle était cette douleur ? Comment Echo pouvait-elle la décrire si parfaitement ? Mais, oh, Lagertha ne se laissait jamais éteindre, surtout pas face à elle. Les sens perturbés par les échos, elle avait laissé le pied buter sur le tibia, avait tiré le bras pour taper son beau visage de son front violemment,ainsi mieux dominer Echo sous son corps, saisir une des tonnes de lames contre la peau pour mieux l’appuyer sur la gorge pâle, à en faire jaillir quelques gouttes vermeilles – oh, comment pouvait-elle ainsi souiller une telle oeuvre et y prendre tant de plaisir ? La tête tambourinait, la privait de sa vivacité à l’en faire serrer les dents entre tous ses mots.

– Qu’est-ce que t’as fait Echo ? Menace dans la voix, la main crispée sur l’arme quand le souffle était haletant de douleur. T’es vraiment… Je vais vraiment.. te défoncer Echo..

Lagertha ne savait toujours pas si elle avait encore plus envie de l’aimer ce soir ou si elle ne voulait que voir son sang couler sur le marbre, pour mieux le regretter lorsque le désir prendrait à nouveau le dessus. Mais le regretterait-elle vraiment ?

Tout était flou et la lame qui avait tant tué, ne faisait que blesser artificiellement celle qu’elle voulait garder vivante, elle, si belle écroulée sur le sol, avec cette allure de reine.

Comment lui résister ?
Comment résister à ce parfum, la douceur de la peau contre ses bras nus, cette douceur qui l’appelait à désirer plus encore, plus de contact, ses lèvres contre les siennes, ses soupirs au creux de l’oreille. Tout semblait fait pour la charmer. Ce regard brûlant, si cruel, les bagues griffant la peau, la douceur qui s’y cachait… Lagertha pourrait bien s’y perdre. S’y perdait-elle déjà ?  

Et elle s’amusait, mesquine dragonne entre ses bras, quand Lagertha sentait son corps brûler pour elle, retenait l’envie de chuter plus bas, tomber jusque dans ses filets. Chaque griffure sur la peau était un plaisir dissimulé – qu’elle la marque à lui en laisser pour toujours le souvenir de son toucher – un plaisir évident quand les lèvres se couvraient d’un rictus, le corps se penchant, se rapprochant encore, attiré comme un aimant contre l’amante. Nez à nez, le souffle contre ses lèvres, ces lèvres qu’elle frôlait des siennes quand le couteau ne quittait pas la peau, la tête hurlant de douleur.

– C’est le but d’un couteau. Te blesser. Reprendre le dessus pour ne pas que tu l’aies.

Et puis, il y eut cette main, si douce, si agréable quand les maux cessaient. Les paupières un instant firent closes. Un instant de faiblesse, puis un autre quand la lame fut envoyée à l’autre bout de la pièce. Elle ne prenait même pas la peine de lui répondre, férale quand elle s’abandonnait à ses envies.

Comment pouvait-elle lui résister ?

Ce soir, les corps s’affrontaient d’un manière plus douce, férocement quand les lèvres capturaient celles d’Echo, avides, si avides d’elle. Lagertha pourrait s’y perdre. Ne s’y perdait-elle pas déjà ?

Libérer le corps de l’armure quand elle montait les marches quatre à quatre, sans lâcher l’aimée une seule seconde, oublier la guerre pour en mener une autre au creux des draps pâles, révéler les doigts marbrés de blanc, de rose, de rouge, les souvenirs de son histoire pour mieux s’oublier entre les cuisses diaphanes, soupirer son nom, encore et encore, dans la folie d’une nuit de plus.

S’oublier, mourir un peu à chaque respiration éreinté, mourir un peu pour se tuer pour de vrai un jour.