l'attente tue l'indulgence ❃ ft. elio

l'attente tue l'indulgence

( bonne excuse à prévoir )

Ce n'était pas la première fois que l'on venait se chercher en traînant autre part que chez soi ; Antonie au constant besoin d'identité, se fait dévoreuse des autres pour se trouver soi,
et les pas qui avalent le parquet alors que le corps, infatigable, se promène dans l'espace, et les yeux qui embrassent chaque détail encore et encore en quête de nouveau,
ce n'est pas la première fois que l'on vient chez Elio,

mais c'est la première fois que l'on s'y trouve seule.

Atelier passé au peigne fin sans pourtant toucher aux affaires qui ne sont pas les siennes – on ne se sent pas encore assez à l'aise avec ce frère débarqué de nulle part pour oser s'aventurer dans les tiroirs ou les placards – c'est qu'on se veut avide de tout ce que l'endroit pourrait apprendre sur qui il est, sans toutefois oser totalement s'y aventurer.

On aime trop le semblant de relation déjà installée pour creuser un passé tortueux – trop grande la peur d'être déçue et à nouveau abandonnée,
c'est que maintenant qu'Elio a fait l'effort de venir la trouver, elle ne compte pas se faire étrangère à sa vie et alors, c'est certes les grands pas mais toujours sur la pointe des pieds,
effrayée de venir tout briser.

Coup d'œil au portable – silence radio, Elio-disparu dans la nature n'est pas venu à l'heure prévue et on ne se fait pas inquiète – s'il est adulte, on sait aussi que son comportement peut être adolescent, à s'oublier auprès des bouteilles et des amis –
on se fait finalement énervée

de se retrouver là sans lui
lui qui a donné les clefs de son atelier
sans prévenir
de son temple en réalité
clefs à son intimité
et lâchée seule ici,
on s'ennuie
ça n'a pas de sens sans lui.

— Il mériterait que je me casse. grognement au silence et à soi ;

on n'en fera rien, trop avide de le voir rentrer et accorder toute son attention,
alors repartent les pas et se promènent à nouveau les yeux pour voir ce qu'on n'a pas déjà remarqué, dans les objets bibelots trésors qui font le quotidien d'Elio,
oreille tendue au moindre bruit de pas de clefs,

minutes qui passent effacent le faux-calme
et d'impatience on trépasserait.

ft. elio janvier 2021 | atelier d'elio

Awful

@Antonie Dawson-Byrne

✷

musique

Parfois j'ai un cœur de pierre c'est difficile je ne m'comprends pas
Je m'demande à quoi ça sert, les trucs d'amour c'est du charabia
Parfois j'voudrais plus sortir, juste rester enfermé chez moi
6 mois sans faire un sourire, c'est trop l'enfer vraiment pas la joie

Ça tangue.
Inéluctablement, tout se dérobe à toi. La vision est parsemée dans les éclats de rires cristallins, dans les touchers diaphanes. Il n’y autour de toi que des visions de paradis mêlées à l’ivresse de bacchus.
Des étoiles dans les yeux, des bulles dans le gosier, des larmes hilares au bout des cils.
Et puis ça te déphase, ça s’efface. Ça tire sa révérence petit à petit, tout te paraît plus fade. Téléphone éparpillé sur une table basse bordélique n’ayant plus que pour d’être le réceptacle des objets perdus de cette soirée, tu te remémores.
Tonie.
Mouvement de panique brusque qui décuve immédiatement ce qui aurait dû prendre de longues heures, tu enjambes des invités, des corps empilés. Fuite en avant, tu récupères tes maigres appartenances.
À ne plus savoir si tu dois être hilare ou dépité, entre deux eaux tumultueuses, tu t’en vas.
Le pas est rapide, il claque sur les pavés.
Enfin, au bout d’un temps non calculé, un taxi, de la marche, de la perdition, tes chaussures cirées résonnent dans la cage d’escalier.
Le petit escalier en colimaçon étriqué te fais faux bond, qu’il est dur de l’escalader lorsque la terre a décidée de tourner.
Cigarette au bec, airs délabrés, tu éclaircies ta voix avant d’entrer.
Les bras pleins de victuailles durement trouvées (de la nourriture à emporter).
« Je crois que tu te rends pas compte à quel point c’est compliqué de trouver de quoi manger à cette heure-ci dans cette ville. »
Pas le temps de niaiser, il faut enchaîner. Ne pas couper la parole car on est polie, bien éduqué. Mais la monopoliser, assez pour peut-être éviter les reproches justifiés.
« Je pouvais pas être et en retard et arriver les mains vides. »
Tu oses même un baiser sur le haut de son crâne, quoique rapide et prématuré. Assez rapide pour ne pas être frappé, assez succinct pour ne pas avoir à élaborer.
Un peu de tendresse pour calmer tes airs de fêtes.
Tabac, alcool, parfum. Les odeurs du menteur.
Tu tires sur ta cigarette, laisse tomber la cendre dans le cendrier avant de te vautrer dans un large fauteuil au cuir patiné.
Il y a un instant, un silence.
T’as pas besoin qu’elle te fasse un dessin pour savoir que t’es une fraude, un connard dont l’insolence n’a pas de fin.
« Je suis désolé Tonie, mon téléphone était mort. J’ai perdu la notion du temps. »
Et tandis que tu remets tes cheveux débraillés en place, tu mesures doucement la situation, imagine ce qu’elle a dû penser, tout ce qui doit la traverser. T’es pas un modèle, tu l’as jamais été.
Les responsabilités, le fil à la patte sentimental, tout ça t’es étranger. Tu sais pas le gérer ni comment t’excuser.
« J’allais dire que c’était un plaisir de te voir mais je me doute que vu l’heure ça doit plus être vraiment partagé. »
Une odeur de cuisine chinoise entre vous, tu relèves tes yeux morts de fatigue face à elle, t’humectant les lèvres.

HRP — du love sur toi !!

l'attente tue l'indulgence

( bonne excuse à prévoir )

Apparition soudaine,

on l'a entendu arriver – qui ne l'aurait pas ? il a fait un bruit monstre dans les escaliers – et les hazel plissées, on l'observe déambuler jusqu'à soi.
La démarche chaloupée et le nuage d'odeurs qui accompagnent Elio – alcool, fumée, parfums enivrants – le dénoncent sans contrefaçon ;
c'est donc une soirée qu'il nous a préféré.

Et bras croisés quand il vient déposer un baiser au sommet du crâne, quand il vient s'asseoir et s'excuser, quand il vient déposer les sacs de la réconciliation ; mais obtue, il nous a fait poireauter et on ne compte pas se laisser faire aussi facilement.
( même si sa présence lui assure d'être déjà à moitié pardonné )

— J'ai déjà mangé, j'en avais marre de t'attendre.

Coup de menton au bol laissé à traîner volontairement sur une table qui témoigne des restes d'un repas sommaire et solitaire ;
enfantine vengeance, on a décrété que l'une de ses punitions serait de le laver et de le ranger.

— Et si tu veux tout savoir, j'hésite entre me barrer maintenant ou te botter le cul pour m'avoir oublié. Ou alors, je peux faire du reste de ta nuit un enfer jusqu'à demain matin. Tu préfères quoi ?

Et puis, aux secondes qui détalent, de tes yeux qui le détaillent, on finit par se détendre ; Elio est là, avec soi – en retard, mais tout de même là,
quelques mois en arrière, on n'aurait pas même pu l'imaginer et depuis, on se fait voleuse de chaque instant que veut bien nous accorder ce grand frère d'une vie que l'on n'a pas eu.

Alors c'est finalement le sourire qui étire les lèvres, et un roulement d'yeux vers le plafond face au simple fait, qu'on ne peut pas lui résister.

— ... j'espère que cette soirée valait le coup, au moins.

ft. elio janvier 2021 | atelier d'elio

Awful

@Antonie Dawson-Byrne

✷

musique

Parfois j'ai un cœur de pierre c'est difficile je ne m'comprends pas
Je m'demande à quoi ça sert, les trucs d'amour c'est du charabia
Parfois j'voudrais plus sortir, juste rester enfermé chez moi
6 mois sans faire un sourire, c'est trop l'enfer vraiment pas la joie

Retour de flammes mérité, tu devrais avoir le minois attristé.
Mais tu la regardes, un sourire aux lèvres. Tu peux pas t’en empêcher quand bien même tu refuses de passer pour un insolent. Tu as été attendu par quelqu’un qui avait envie de te voir. Qui malgré les heures est restée, te le fais savoir, est toujours présente.
C’est une drôle de sensation.
Ton esprit inhibé multiplie peut-être tes états d’âmes, mais te voilà touché. Tu le ravales ce sentiment, comme une pilule sans eau. Histoire de le sentir passer.
Pas besoin des cinq doigts de la main pour compter les personnes capables de faire ça pour toi.
Tonie est une étrangère. Vous avez déboulé dans vos vies maladroitement et tu t’imagines difficilement des lendemains sans sa présence.
... j'espère que cette soirée valait le coup, au moins.
Les pattes d’ois au coin de tes yeux rieurs, tu ne sais pas quoi dire. Les détails sont lugubres et tu ne veux pas l’entacher avec. Sourcils haussés, tu réponds.
« Elles valent toutes tristement le coup. »
Tes mains plongent dans le sachet plastique tiède, déchire le papier fin des baguettes. Quelques bouchées pour te sustenter, tu ouvres maladroitement la bouteille d’eau se trouvant à tes côtés.
« C’est l’occasion de voir des gens sous un nouveau jour. »
Oh tu sais bien que ton âge fais qu’on se demande bien ce que tu fais de ta vie. Qu’on te hâte en-dehors de ces habitudes nocives.
Tu retiens pourtant un rire.
« Je rend ça très sérieux, pardon. Mais je me vois mal te raconter les déboires auxquels j’ai pu assister. »
T’es pourtant pas naïf, Elio. Tu la sais adulte. Mais dans ton esprit embrouillé, elle est à protéger. Bêtement, tu ne remets pas en question cette vision, tu te l’appropries maladroitement.
Car tu ne sais pas faire autrement.
C’est quoi être un grand-frère ? C’est quoi être lié par le sang ? Tu sais être ni conjoint ni fils ni père. Alors tout te paraît flou.
Et tandis que tu te nourris en parlant, tu finis par t’arrêter brusquement.
« Ça devrait pas justifier le lapin que je t’ai posé. Je suis content de t’avoir filé mes clefs. »
Éviter de la faire poireauter dehors, c’est toujours ça de gagné pour l’illustre absent que tu es.
Et tandis que tu termines de mâcher, d’un mouvement du menton, tu la désignes silencieusement le temps d’avaler.
« Et toi ? Journée, soirées, qu’est-ce qui se passe, comment tu tues le temps ? »
Toi qui est posée sur son canapé, qui es-tu, que fais-tu.
Elio n’en sait rien, il ne saurait l’effleurer.

HRP —...

l'attente tue l'indulgence

( bonne excuse à prévoir )

Elio qui se nourrit de nouilles et nous de ses mots, sourire un peu tordu à sa façon de parler – c'est que quelque fois on retrouve de son âge dans les phrasés employés, âge que l'on oublie facilement tant il peut agir enfant – mais quand retentissent parfois les accents du grand frère inquiet,
ça fait tout aussi étrange que plaisir.

Car les déboires qu'il veut sûrement cacher, on les connaît déjà et ce depuis des années – il semblerait qu'il ait tendance à ne pas y penser.

— Tu sais que je travaille dans un bar, mmh ? Et je traîne dans les rues depuis que j'ai treize piges... mais t'as raison d'épargner mes oreilles naïves et innocentes.

Et bien sûr qu'on se moque ( gentiment ), mais pour lui on se fera bien la petite sœur prude – même si c'est là loin de la vérité,

et des doigts on vient piquer des baguettes pour piocher dans la boîte contenant son repas ; le défiant du regard de l'en empêcher.

— Si j'avais pas eu tes clefs, bouchée encore à moitié pleine on fait fi de manières, je me serais pas emmerdée à attendre sur le perron. Je serais clairement rentrée chez moi.

Encore une façon de lui faire comprendre la fausse rancune à peine éprouvée – grand frère définitivement pardonné. Nouvelle bouchée volée, de suite enfournée.

— Moi ? presque surprise de devenir le centre de l'attention vite remplacée par cette addiction d'être nombril du monde des autres. Rien d'exceptionnel, le bar, les Panthers, toi. C'est surtout toi le plus gros truc de ces derniers semaines, mmh.

Et coup d'œil fuyant pour changer le sujet, on a peine abordé les Panthers ( on ne lui a jamais caché ) qu'on regrette déjà de les avoir évoqué – car ce sont bien elles qui prennent le plus clair de notre temps en ce moment,
elles et tout ce qu'on prévoit pour la fin du mois.

ft. elio janvier 2021 | atelier d'elio

Awful

@Antonie Dawson-Byrne

✷

musique

Parfois j'ai un cœur de pierre c'est difficile je ne m'comprends pas
Je m'demande à quoi ça sert, les trucs d'amour c'est du charabia
Parfois j'voudrais plus sortir, juste rester enfermé chez moi
6 mois sans faire un sourire, c'est trop l'enfer vraiment pas la joie

Se boucher les oreilles, se couvrir les oreilles, chanter par-dessus ses mots. C’est ce que tu t’imagines faire lorsqu’elle te dit traîner dans la rue depuis le début de son adolescence. Quand bien même c’est la réalité, tu te refuses à te laisser happer.
Tu veux t’imaginer qu’elle a eu le temps de découvrir, d’être protégée. Qu’elle a eu l’occasion de se rater, de trébucher en sûreté. Et si tu te refuses à la limiter, tu ne peux pas t’empêcher de penser qu’elle a survécu sans ta sur-protection mal-amenée.
Qu’elle a pas besoin de toi.
Et dans le creux de tes yeux, tu sens que c’est une réalité, un petit coup de poignard nécessaire. Un appel, on te demande de redescendre sur Terre. T’as jamais pu prendre soin de personne, pas même toi. Qui tu veux tromper avec tes sottises ? Toi, la sauver elle ?
Tu t’humectes les lèvres, récupère un semblant de sauce chinoise. Il faut parfois savoir être radin.
« Je sais que t’es une jeune femme indépendante. Si c’était pas le cas tu serais venu frapper à ma porte. »
Elle serait venu te vider les poches en te prenant par les sentiments. C’est elle qui serait venu te chercher, pas l’inverse. Et tu prononces cela avec flegme, ta langue cherchant à décoincer un morceau de nourriture coincé entre tes dents.
Et tu souris à sa remarque, relevant ton regard vers elle, bouche pleine.
« J’ose au moins espérer que t’aurais foutu le feu à mon paillasson si ça avait été le cas. »
La fumée t’aurais peut-être fait rentrer à grandes enjambées, qui sait.
Panthers.
Tu poses sans doigté ta boîte sur la table basse, comme si l’appétit t’avais été coupé. T’essuyant les coins de la bouche tu lui lances un regard en coulisse, de quoi noircir ton regard déjà noir. Quelques gorgées d’eau pour faire passer ce qu’on tente de te faire avaler. T’as plus besoin de décuver, elle est forte.
Tu veux pas être cette personne Elio.
Tu veux pas être tes parents, les siens, ressembler à ces moralisateurs qui méritent le bûcher.
Ça te démange petit hypocrite. Toutes ces conversations que tu as détestées, tu es sur le point de les reproduire avec gravité. Ça t’arraches à toi-même.
« T’y retrouves ton compte chez eux ? Je veux dire, te mettre en danger, ça vaut le coup à tes yeux ? » Et si le début de ta phrase flirte avec un légère agressivité, la fin se fait plus tendre. Elle se veut plus amicale. Ne pas brusquer, ne pas braquer.
Tenter de comprendre malgré le regard inquisiteur.
T’es pas en droit Elio, tu le sais.
T’es injuste.

HRP —...

l'attente tue l'indulgence

( bonne excuse à prévoir )

On savait qu'on n'aurait pas dû évoquer Panthers, car au mot maudit prononcé,

ah, les yeux qui se font aiguisés,
les gestes maîtrisés,
les paroles déguisées,

Elio qui cache derrière trop d'années manquées la fausseté d'une inquiétude fraternelle donc ni lui, ni soi, ne sait quoi faire et alors c'est un court silence qui laisse entendre le malaise,
bien vite rattrapé par ce plaisir d'être victime de ces attentions encore jamais connues,
et alors pour une fois, on se fait peut-être plus mesurée :

— Bizarrement, je suis plus protégée avec eux que quand je traînais dans la rue...

On ne va pas lui mentir,
on a connu notre lot de passages si risqués qu'on aurait pu dû y laisser notre peau ;
les Panthers ont apporté l'assurance d'une protection qu'on n'avait jamais eu, quand on venait faire nos conneries d'ado en mal-être dans la rue.

— Ça peut faire peur, mais dis-toi que je ne suis jamais seule on sourit à ces mots déjà utilisés pour rassurer, autrefois, papa et dada, dis-toi que j'ai toujours quelqu'un pour veiller sur moi.

C'est ce qu'on n'avait pas attendu mais que l'on préférait – le fait de se sentir entourée d'une fratrie trop grande et explosive pour la comprendre,
c'était l'idée qu'on s'était faite de la vie qu'on aurait pu avoir, auprès des gens qui nous avait abandonné,

— Et c'est pour ça que j'y suis rentrée. Pour trouver une famille que je n'avais pas.

Désolée Elio d'être parfois trop honnête,
mais à l'époque tu n'étais pas là,

et il fallait que je trouve celles et ceux qui allaient prendre soin de moi.

ft. elio janvier 2021 | atelier d'elio

Awful