le risque avait été pris, se laisser surprendre goûter à nouveau des sensations oubliées d'excitation et de désir que le leader des Dragons avait jetées des années en arrière au profit du pouvoir et de son règne - tout avait un goût de cendres contre son palet, la ville entière était acquise s'il en avait décidé ainsi et il ne trouvait plus aucun émerveillement, aucun coup de théâtre s'il n'en était pas l'instigateur.

alors l'écran de son téléphone allumé ce matin-là, affichant le seul numéro inconnu qui n'était pas répertorié dans son agenda, un tant soit peu de saveur dans sa vie sans couleurs ; Stelian avait souri, et une lueur amusée animait son regard placide une fois les longues minutes d'attente qu'il s'était imposées écoulées. il mordit sa lèvre inférieure, et imaginait - il n'imaginait plus rien, anticipait devinait toujours - le visage d'Emma-Serah agacé par ses réponses : celles qui posaient question par-dessus tout.

il avait dénoué sa cravate de soie et la laissa à son secrétaire, une fois la dernière réunion avec ses investisseurs potentiels terminée : il laissa la suite à Irene et ne se posa plus la question de sa tenue vestimentaire, à des années lumière de ce qu'il avait offert à la Hottenberg lors de leurs premières rencontres.
Stelian ferait son entrée, au détriment d'un double factice, usurpateur  - mais visiblement tout autant digne d'intérêt pour elle.
Elle n'aurait pas rappelé sinon.

Le Phoenix avait fait appelé le fleuriste le plus huppé de la ville en urgence, de sorte à ce qu'un bouquet de pivoines roses et blanches soit livré à la table de La Riviera, qu'il avait réservée dès le premier SMS d'Emma reçu - mais pas ouvert.

Et l'exquise fit son entrée, alors il se leva en rajustant la veste de costume outrageusement hors de prix - Stelian ne doutait pas de son caractère ostentatoire, lorsqu'il portait les habits du président directeur général de Parker's & Co.

— nous dirons que le quart d'heure de politesse t'est accordé.

un clin d'oeil - une oeillade discrète et charmante - charmeuse qu'il ne s'empêchait plus maintenant qu'il jouait sur son territoire - Emma l'avait déjà rangé dans la case des hommes d'affaires arrogants - puissants, imbus d'eux-mêmes, misogynes sûrement.

il glissa ses doigts dans ceux de la Hottenberg pour y déposer un baiser, et sans se perdre dans ses pupilles émeraude, il l'invita à prendre place avant de faire de même.

— je n'attendais pas de nouvelles aussi rapidement. Il n'y a pas que moi qui était impatient de ce déjeuner, visiblement.

Stelian délaissait complètement la carte qui leur était apportée, il était habitué du lieu - avait organisé de nombreux déjeunes d'affaires entre les murs et les propriétaires se plaisaient à le considérer comme un fidèle.

Un serveur rompit leur intimité toute nouvelle, déposant deux coupes de champagnes qu'aucun n'avait demandé mais que Stelian voyait comme un geste de la maison.

— monsieur Phoenix.

un hochement de tête, à peine plus qu'un rictus et bien vite il se dédia à Emma-Serah, se laissant transporter doucement par leurs retrouvailles - son objectif premier de la faire chuter toujours bien en tête.

— alors, comment avancent tes enquêtes ? 

au fait comme un murmure, comme si l'élément de décor n'était qu'une formalité - si peu pour qu'il se rappelle de le mentionner à son invitée
sans aucune honte inversait-il les rôles et s'attribuait les honneurs
il glissa son regard sur le bouquet encore noué dans le vase de verre trônant entre eux deux.

— ce bouquet est pour toi. j'espère qu'il te plaît. 

un sourire un souffle léger une pétale d'oie une oeillade dérobée entre eux ils n'étaient plus de simples inconnus ils devenaient plus - elle signifiait davantage au fil de leurs rencontres, prenait tout son empire, débordait sur celui de Stelian et creusait son appétit prédateur à chaque mesure, chaque battement de cils ; il soupira et si Emma-Serah s'avançait, il reculait - le ferait à chaque fois et l'inverse aussi.

— alors c'est ça ? Tu m'as invité à déjeuner pour me soutirer des informations.

il mordit sa lèvre - devant elle cette fois, paré de la même lueur amusée au fond des iris
au fond, il le sentait : il y avait du désir entre eux, qui ne tenait en rien au business - Stelian croisa ses jambes et échoua ses bras sur chacun des accoudoirs.

— moi qui pensais naïvement que tu t'intéressais à moi pour d'autres raisons.

vexé outré blessé dans son orgueil - personne n'y croyait, lui qu'une étrangère ne pourrait jamais atteindre au bout de trois rencontres
le pouce sur ses propres lèvres griffant un instant sa chair
chaque geste lent calculé mesuré avec une précision d'artiste, les syllabes coulaient entre eux dans une lenteur suave et finalement Stelian se décida
Carter s'approcha et mima la position qu'Emma venait d'adopter, croisant les bras sur le bord de la table pour éteindre tout échange en murmure, d'une proximité scandaleuse
telle que son parfum floral et sucrée vint estomper ses sens, quelques secondes.

— je vais te dire quelque chose.

sa voix descendait progressivement, la forçant à se rapprocher et risquer le contact limite
mais elle serait toujours trop curieuse
pour ne pas franchir les limites
lesquelles la protégeaient encore de ses griffes draconiques

— je ne suis pas exempt de tout reproche. Et je suis encore moins comme tous les autres que tu as pu fréquentés jusqu'ici.

il inclina légèrement la tête - avec toute l'arrogance qui l'habillait
et dans les comédies les plus nulles la seconde d'après ce serait l'apothéose, un amour tendre et sans ombres
faite de promesses et de serments délicats
il ne jouait que dans les tragédies, hélas

— mais je ne suis pas stupide non plus. Pas au point de laisser traîner des informations embarrassantes à mon sujet.

sa main glissa non pas jusqu'à la sienne
mais attrapa la coupe de champagne qui lui était destiné pour la placer entre eux, et le bruit du verre tinta lorsqu'il trinqua le verre de sa compagne

— il n'est donc pas question que je t'aide dans tes recherches, si tu cherches ce genre de choses.

lascivement il revint à sa place initiale - convenable
respectant les règles de bienséance - entre deux inconnus
aucun des deux ne le voulait
mais Stelian avait décidé que cette fois, ce n'est pas lui qui courrait après l'autre

— et puis franchement, si je te dévoilais tout dès le premier déjeuner, ça manquerait terriblement de charme, tu ne penses pas ?

Et éleva la coupe de champagne dans la direction d'Emma-Serah.

— et tu ne t'étonneras pas, dans ce cas, de te retrouver en position plus qu'inconfortable si je venais à le savoir.

aucune menace, le ton froid et sec de sa phrase contrebalançait le rictus amusé qui ne le quittait plus lors des rencontres avec elle
qu'il prenait plaisir à voir - à regarder sans la moindre gêne
et il se sentait fauve en cage lorsqu'elle lançait de tels assaults, acculé là où il n'attendait rien- Emma-Serah ne manquait d'aucune répartie, comme les bêtes entraînées dans le seul but de réussir dans la fosse aux lions de la haute société.

— et sois certaine que j'y prendrai un malin plaisir.

si les mots ne courraient plus entre eux, c'est bien les regards qui parlaient plus qu'ils ne devraient, empli d'un désir malsain du jeu et de la guerre - vraiment
comme les prédateurs assoiffés qui se délectent d'une proie un peu coriace - un fauve peut-être, sous les traits d'une victime

le serveur entre eux ramena une certaine réalité - cruelle - entre eux, et alors qu'il demandait le risotto aux truffes habituel en agrémentant sa commande des attentions bien connues, il reprit la conversation l'air de rien
tout en conscience
et penché à nouveau vers la jeune femme - sa voix rehaussée d'une insouciance rogue

— je dirige une entreprise de fusion-acquisition. Ça n'a rien des grands groupes mondiaux mais... à Ellipse, elle a son importance.

ses doigts agitaient les couverts sans les saisir, ses manies gestuelles bien ancrées et visibles, alors qu'il alignait finalement la serviette impeccablement juxtaposé à son couteau
le diable dans le détail toujours, et la meilleure lecture d'un homme aussi tourmenté.

— je ne fais pas que la diriger. Je l'ai créé de toute pièce. Je préfère largement ça, plutôt que de succéder à quelqu'un qui n'aurait rien à voir avec moi, et ma manière de fonctionner.

il adorait la regarder, vrai
mais plus encore, il aimait la manière qu'elle avait elle de le détailler sans l'assumer, cette existence singulière qu'elle traduisait au fond de sa voix, à chaque attaque - alors que ses mains, il l'avait senti, exigeaient un rappel.

— effectivement, c'est une chance que nous nous soyons rencontrés par deux fois. Et une autre chance que de déjeuner ensemble, n'est-ce pas?

Dis-le
Dis-le toi aussi à ton tour l'envie pressante de nous revoir
De s'affronter pour la première fois en vrai sur le terrain de - qui cédera le premier ?

— mais c'est vrai, c'est une bonne question. Jusque là, tu ne me dépeins que comme un homme arrogant, prétentieux, très séduisant mais pas fair-play.

Stelian ne se laissait pas de cette bulle entre eux
qui se créait à chaque pas de côté sur une voie irrémédiable - il l'avait juré, des semaines avant, à Magdalene
elle tomberait pour lui - entre ses bras s'il devait en être ainsi.

— que fait une brillante journaliste, sublime, éduquée, et avide de réussite, avec un homme comme moi, hm?

discrètement sa langue passa sur ses lèvres alors qu'il manqua de reculer
et puis non
il ne céderait plus aucune parcelle à cette femme
une étrangère, une inconnue - une étrangère avec tous ses défauts, sans doute

— ou alors, les journalistes ne savent que poser des questions, sans être capables d'y répondre ?

peu importait le monde autour d'eux
pendant quelques secondes, il n'y avait qu'eux en ce bas-monde

combien de temps
combien de temps encore à se dévorer du regard intensément, à guetter le faux pas de l’un de l’autre pour se glisser dans une faille sensuelle que même lui
même Stelian n’aurait imaginé si visible, si accessible alors même que le plan était à l’étape d’ébauche entre lui et Magdalene Fowley.

combien de temps à jouer avec les limites du raisonnable, de la bienséance alors même que son self-control semblait glisser entre les mains d’Emma-Serah, pour suivre le chemin du talon qu’il avait très nettement senti le long du tissu recouvrant sa peau brûlante, ce qu’il pensait ne plus être capable de le surprendre
Mais l’outrageuse vérité était telle, qu’elle venait de provoquer en lui des incendies qu’il ne maîtrisait que trop bien.

Le feu dans sa voix, ses lèvres charnues jusqu’à ses yeux dévorants, avides d’une passion inédite, plus rien entre eux ne mentait.
Rien de leurs deux corps échaudés - alors que leurs esprits formatés luttaient encore.

— oh, alors tu admets une attirance pour moi.

si les mots ne courraient plus entre eux, c'est bien les regards fiévreux incendiaires qui parlementaient, alors qu’il osa sans remords rendre la pareille : Stelian - Carter toujours - croisa les jambes à son tour et effleura la jambe nue d’Emma-Serah, appuyant son regard sur elle avec la même audace dont elle s’était vêtue en provoquant ses instincts primaires quelques instants plus tôt.

le serveur arrivant avec les plats aurait pu tout stopper net : les surprendre dans leur sensualité débridée et freiner les ardeurs malvenues - Stelian outrepassa le spectateur et continua avidement la provocation, ne stoppant le contact qu’à l’instant où l’employé de restauration quitta leur table; leur souhaitant un bon appétit.

Alors il recula sa jambe, se remit en place, et quittant le regard émeraude d’Emma-Serah, entama le risotto aux truffes qu’il avait commandé.

— effectivement, je ne considère pas avoir besoin de posséder quoi que ce soit d’autre.

le plat, d’habitude exceptionnelle, souffrait d’une saveur fade et terne en comparaison de l’échange charnel qu’il venait de partager avec une étrangère - il ne se serait jamais cru capable - si bas, d’un tel geste; à croire qu’elle repoussait des limites chez lui, insoupçonnées, vertigineuses.

— mais je ne te considère pas comme une simple étrangère, vois-tu.

sa fourchette cherchant le goût exceptionnel d’antan, Stelian déjeunait plus lentement que d’habitude, trop dédié à la douce inconnue - elle n’en était plus - en face de lui, stupéfait à l’idée d’une plénitude si simplement acquise : à jouer avec le feu aussi facilement, malgré les conséquences déterminées au préalable dans son bureau de la tour Diamantine, alors qu’il avait parié un but bien plus fascinant en séduisant une créature venue d’ailleurs.

Il s’était oublié un instant, ne tenait aucun calcul, ne maîtrisait pas ses propres appels, et avait fait le choix conscient de la situation : elle lui faisait perdre un certain contrôle, et il lui cédait ça, pour quelques minutes.

— vous me plaisez, Lady Hottenberg.

Stelian avait cessé de manger, plusieurs secondes avant de déclarer une chose aussi simple - et qui prenait des airs bien complexes.

— et c’est peut être parce que je possède tout ce que je veux, qu’une étrangère comme toi, semblant apporter quelque chose de nouveau, suscite ce type de... situation.

Stelian n’avait aucun besoin de préciser les situations en question : elles s’étaient clarifiées quelques instants plus tôt, alors qu’ils étaient incapables de maintenir les distances convenables pour ne pas se frôler, s’effleurer, de provoquer - se toiser et chercher à s’appartenir un minium - jolie petite histoire.

— mais moi, je suis en position de force ici. Les enjeux sont moins grands pour moi que pour toi.

et une fois seulement
une fois qu’il eut assez de la regarder - de s’abreuver du son clair de sa voix, à la douceur mielleuse de ses paroles, et de la flamme au creux de ses iris
il recommença à déjeuner, comme une parenthèse enchantée - dont la fin ne serait jamais comme dans les contes lus aux enfants.

— ma fascination est moins coûteuse que la tienne, tu ne crois pas ?

— ce n'est pas de la dissuasion. Je préfère qualifier ça de prévention.

ou d'avertissement.
l'avertir sur le danger qui court sur ses lèvres, aussi comme son désir lézarde les parois de leur bulle fantasmée et interdite, alors qu'il reposait lentement les couverts dans son assiette, aux deux tiers vides - Stelian ne terminait jamais ses plats totalement, une autre manie qu'il tenait de l'enfance, alors que sa mère n'avait pas les moyens de manger à sa faim elle-même, et qu'elle se privait pour nourrir les deux bambins trop agités.

il passa sa serviette en tissu sur le coin de ses lèvres, par pur précaution - aucun détail ne viendrait entacher son image impeccable, et alors son sourcil se haussa, son sourire s'étira dans une mimique plus spontanée et juvénile, alors qu'il se renfonça dans le fond de son siège - levant les mains en signe de cessez-le-feu.

— my bad, ne mélangeons rien.

parfaitement conscient des effets que sa rétractation pourraient avoir, il prolongea le plaisir et recula ses jambes pour ne plus former aucun contact (in)désirable entre eux, ramena ses coudes sur la table et joignant ses mains l'une dans l'autre, son regard se voulait soudain plus détaché - vague
professionnel

— alors, pose-moi tes questions, je t'en prie, Emma-Serah.

Il ouvra une main dans sa direction, pour signe d'invitation à poursuivre sur ce chemin bien moins miné - terriblement ennuyeux - avant de la replacer sous son bras croisé.
Stelian avait volontairement espacé la distance entre leurs corps, qui si elle s'était amoindri dans les minutes précédentes, reprenait là une mesure convenable - respectable.
Il se délectait de chaque fragment d'émotion qu'il pouvait lire sur le visage délicat de la jeune femme - elle courrait, cette fois, il l'avait déjà dit en son for intérieur.

— Je n'ai plus de secrets pour la plupart des reporters de cette ville, mais soit, je joue le jeu. Restons professionnels, mademoiselle la journaliste.

Il avança très légèrement le haut de son corps, parant ses lèvres d'un sourire mutin, l'air rieur - comme un gamin.

— qu'est-ce que tu as besoin de savoir?

les instants de silence ne durèrent pas bien longtemps - d'un mouvement pressé il agita son bras pour dégager la montre hors-de-prix de sous sa manche, et s'apercevant de l'heure

— mais tu feras vite s'il te plait. J'ai un meeting dans 35 minutes.

Professionnels, a-t-elle dit.
Soit.
Que la partie commence.

la reine venait d'avancer son meilleur pion et elle prenait le contre-pied de ses assauts - alors Stelian souriait, sardonique, confortablement installé dans son fauteuil luxueux, à se délecter par avance de sa réaction - à venir, et ne jamais lâcher ce semblant d'insouciance, de jeu enfantin - aux enjeux chaotiques qu'elle venait lui offrir.

— un portrait est quelque chose de subjectif, il paraît. Alors on va dire que tu as raison, tu m'as bien cerné.

il jouait nonchalamment avec son verre à pied, faisait tourner le liquide sirupeux dans le fond et posait ses yeux à mesure régulière sur Emma : ses expressions ses sourires en coin ses oeillades qu'on ne voyait pas - croyait-elle - et le rose venu teinter ses joues d'asphalte ; ses manières sa posture sa droiture plus encore que son innocence troublée - trouble seulement.
Stelian ne s'en lassait pas encore.

— d'accord, alors : je suis un étranger moi aussi, j'ai du sang sur les mains, et je n'ai jamais eu de relation stable.

les rumeurs les plus folles, les plus délirantes : chacune parlait un peu pour de vrai, si on prenait le temps de lire entre les lignes - ça n'était jamais des mensonges absolus ou des parfaites vérités : Stelian ne voyait pas le monde de façon si binaire - manichéenne.
il était étranger aux Dragons, à la dynastie si bien-aimée il y a quelques mois encore - étranger aussi au commun des mortels, la faute à un profond décalage ressenti en permanence et comblé par la seule présence de Thomas - lui aussi s'amenuisait avec le temps, alors Stelian sonnait creux.

Et l'amour s'il en était capable, peut-être l'a-t-il porté à Medea - la seule à ce jour, à avoir fait battre son coeur immobile cerné de barricades ; Felis en avait porté les stigmates trop lourd
un enfant si cher que peut-être, peut-être un peu, il s'était fait père sans le sang.

— hm, je triche un peu. Tout ce que je te dis est un peu vrai, un peu faux.

Le serveur vint finalement demander les desserts, et Stelian se redressa l'air vague.

— D'accord, essayons autre chose : je suis enfant unique, je ne laisse jamais place au hasard, et j'ai toujours grandi dans le luxe.

son doigt tapotant machinalement sur la nappe froissée.

— maintenant c'est à moi.

il passa une main sur ses lèvres mordues.

— ton intérêt pour moi n'a rien de professionnel, tu ne laisses aucune place au hasard non plus, et tu vois très clairement dans mon manège mais tu as décidé de te laisser tenter parce que tu aimes le danger.

Deux mensonges, une vérité.

— je triche encore, je crois : il n'y a aucun mensonge dans ce que je viens de te dire.

Oh, Carter, est-ce vraiment l'image que je te renvoie ?
si seulement ça n'était qu'une image, une vision éphémère de ce qui saurait l'exciter des heures des jours des semaines à songer réfléchir planifier la meilleure manière de faire tomber l'imprudente entre ses mains ensanglantées - de quelque manière que ce soit peu importe tant qu'elle terminait écroulée esseulée à ses pieds de monarque : il eut un rire, un souffle léger qui ne laissait d'autre réponse entre eux.

— tu devrais te méfier.

Stelian sifflait entre ses lèvres humides, transfiguré du petit jeu noué entre eux dont il ne semblait pas se lasser : sa main glissa de quelques centimètres en appel de celle d'Emma-Serah, davantage guidée par l'inconscient du président directeur général que par une réelle envie.
En ça, elle était différente : elle appelait ses pires instincts à lui - il ne saurait se muer autrement qu'en spectateur quasi-esclave des expressions de son visage, de ses pommettes rosées à sa bouche ardente.

— tu devrais te méfier de tout le monde dans cette ville, et ne pas prendre pour acquis chaque mot que l'on te dit.

préciser lui le premier serait trop cliché
son arrogance conquérante sa victoire indicible et absolue l'amenaient à croire qu'il était l'un des hommes, si l'élu, les plus puissants de cette ville : il était Roi en ce monde et elle allochtone au milieu des loups et des serpents ; le souverain Dragon qu'il était avait planté ses griffes le premier, il avait toujours l'exclusivité : mais le jour venu où il ne serait plus seul à attirer dans ses filets la belle et la colère ainsi entraînée ne saurait être contenue
par ses tendres sourires

— tous ces petits jeux enfantins, c'est amusant un temps.

Stelian se pencha vers l'avant, ne mima plus rien sinon enfila le ton - le temps -des confidences, des murmures, des secrets tirés des romans à l'eau de rose : il jouait l'amoureux à la perfection ; un autre divertissement qui le contentait seulement lorsqu'il était en présence d'Emma-Serah.
L'indécence avec laquelle elle frôlait les limites, celles de Stelian, avait tout du pêché de l'interdit - il adorait ça, sans oser le dire.

— mais que se passera-t-il, quand l'histoire prendra un tournant inattendu, et qui ne te plaira probablement pas ?

et sans se soucier du tiramisu dégusté devant lui, il arracha la main d'Emma à son affaire pour caresser sa peau nue et porta ses doigts à ses lèvres, avec une avidité différente des fois précédentes.

— cette ville est réputée pour être dangereuse, tu le sais.

il n'y avait aucune question, lorsqu'il passait ses lèvres sur les longs doigts de la jeune femme, effleurant un baiser lent et mesuré.

— des meurtres, du trafic en tout genre... de la corruption. Un charmant portrait que tu connais déjà, je suis certain que tu as enquêté.

et Stelian ne lâcha pas sa main - ne l'enfermait pas autant, prenant appui sur son coude et caressant du bout des doigts les phalanges découvertes de son invitée
l'empêchant tout échappatoire, par la même occasion.

— j'ai un frère, pour répondre à ta question.

Ça n'avait que peu d'intérêt, en cet instant. Mais Stelian était décidé à poursuivre, à continuer, à feindre les véritables sujets si tel était son désir.
Le seul avouable.