C’est sa détermination habituelle qui la guide à travers la foule, se frayant un chemin entre les enseignes ; les pas résonants dans les beaux quartiers du centre ville. L’habitude perdue de sortir sous un soleil aussi haut - sans pour autant être un oiseau de nuit, Juan a perdu le goût de ses journées libérées, désormais loin de ses cours et de ses occupations. Elle s’accorde un break dans sa recherche (peu intensive) de travail, un souffle dans l’enchaînement de ses journées et ces évènements qu’elle a eu à peine le temps de retracer.
Juan s’offre une occasion de faire le point sur sa vie. Et pourtant ses pensées restent figées sur les nouvelles qu’elle attend. Elliot - il est la première chose qu’elle voit, dès son arrivée. S’avançant d’un pas un poil trop pressé vers sa table, sourire au lèvre puisqu’on lui tend un café et le visage rassurant d’Elliot. Son sourire resté figé comme dans un souvenir, rien n’a changé.

‎— la forme et toi ? wow tu te souviens même des cafés que je prends.

Déjà confortablement installée, l’odeur de sa boisson lui arrive rapidement. Elle se contente de savourer le moment, se sachant en bonne compagnie, et voulant pleinement apprécier les efforts de quelqu’un qui lui paye un café sans commettre une faute de goût.
Ses yeux se perdent pendant quelques secondes contre la vitre. Pas que la vue soit si intéressante, mais le calme éprouvé de l’intérieur à observer ceux qui continuent de vivre à l’extérieur ; a hypnotisé son attention, l’espace d’un instant. Son regard est vite revenu à celui qui attendait sa venue.

Juan l'observe de haut en bas. Essayant de déceler le moindre changement ; un nouveau look ? une nouvelle coupe peut-être ? peu importe puisque finalement son attention se concentre dans ses yeux. Un regard échangé qui lui rappelle vite quelque chose.

‎— t’as l’air en forme pour quelqu’un qui sort de l'hôpital.

sans mentir. c'est sans doute un drôle de compliment à recevoir mais pour Juan le bien être de son ami est d'une importance capitale. Elle espère se voir conter de ses nouvelles - bonnes ou mauvaises, pourvu qu'ils rattrapent un peu du temps perdu.

Le regard toujours posé sur lui, il était bien en un seul morceau. Tant mieux - pense Juan lorsqu’elle l’entend parler, lorsqu’elle le voit rire sans trop de peine. Sans doute que les mauvais jours sont passés ; autant profiter. Les yeux toujours dans les siens alors qu’elle touche enfin à son café. Sa bouche manque de glisser à l’annonce de la raison - celle qui l’a conduit là où il était en premier lieu.
Son café est resté en place dans la tasse qu’elle a reposée, pas sans un mouvement d’épaule traduisant sa surprise - les yeux grand ouverts alors qu’elle ne l’avait pas vu venir.
C’est sans prendre de le temps de chercher les mots qu’elle lâche un :

— oh merde.

Sincèrement. Sûrement qu’elle ne pense pas assez - qu’elle ne réfléchit pas à ce qui précède sa forme actuelle, lorsqu’elle le voit simplement là devant elle. C’est presque irréel. Et impensable pour elle de sentir à l’ouest de la vie d’un pote aussi cher. Juan a beau reconnaître facilement les blessures physiques qui parsèment son quotidien, elle ne sous-estime pas les blessures intérieures.

— mec je suis contente que t’aies survécu aux tubes...

Y a pas à dire, elle peine à trouver les mots. Faute de vocabulaire médical et de tacte, il faudra s’en contenter.

— ouais fais gaffe à l’avenir, hein. T’aurais pu partir sans même m’envoyer un dernier message… penses y la prochaine fois que tu me laisses sur un vu.

Une crainte déguisée en reproche, dite sur un ton léger. Pourtant Juan pèse chacun de ses mots, elle n’en pense pas moins. A vrai dire, elle ne peut pas s’empêcher de penser au fait qu’elle est très reconnaissante, d’être là, avec lui. Les choses auraient pu être très différentes.
Mais peu importe, le présent est tel qu’ils ont sans doute encore beaucoup à se dire.

— sérieux, prend un break des fois. Et appelle moi.

Elle espère bien être là, à l'avenir.